Après 25 jours de reportage en Crimée, le journaliste de FRANCE 24 Johan Bodin témoigne de la situation dans cette région d'Ukraine passée sous le contrôle de Moscou. Selon lui, ce territoire est désormais totalement verrouillé par l'armée russe.
En reportage depuis presque un mois en Crimée, le reporter de FRANCE 24 Johan Bodin a assisté, ces dernières semaines, à la prise de contrôle de cette région d’Ukraine par les forces russes. Il a surtout été marqué par la main mise très rapide de Moscou sur ce territoire. "Ce qui est étonnant, c’est d’avoir vu, en cinq jours, ce territoire passer sous la coupe d’éléments russes sans qu’un seul coup de feu ait été tiré. C’est un scénario qui a été bien établi. Il s’agissait d’une sorte de coup d’État, mais en douceur", a-t-il ainsi estimé, mardi 10 mars, sur l’antenne de FRANCE 24 après son retour en France
Fin février, ce journaliste a été témoin du déploiement de militaires russes près des sites stratégiques de Crimée, notamment sur la route entre Sébastopol et Simferopol : "Quand ils se sont installés autour des bases, on voyait qu’il s’agissait de véhicules blindés avec des plaques d’immatriculations russes et de l’armement lourd. Quand la présence médiatique est devenue plus importante, ces plaques ont disparu. Visiblement, elles ont été enlevées à la hâte".
Alors que le Kremlin a tenté de dissimuler durant les premiers jours l’identité de ces soldats, le reporter a rapidement compris à qui il avait à faire : "Nous avons pu échanger quelques mots avec ces hommes peu bavards. Ils nous ont dit : ‘Vous savez très bien qui nous sommes. Non, nous ne sommes pas ukrainiens, non nous ne sommes pas de Crimée. Notre unité agit toujours ainsi’. En d’autres termes, ce sont des Spetsnaz, des commandos russes qui agissent souvent derrière les lignes ennemis et qui ne portent pas d’insigne".
"Un territoire totalement verrouillé"
Pour le journaliste de FRANCE 24, il n’y a plus de doute. La Crimée est désormais un territoire totalement verrouillé par l’armée russe. "Les casernes continuent d’être encerclées. Ce quadrillage par des milliers de soldats russes est bien établi. Il y a une quasi continuité [territoriale] avec la Russie car, il y a cinq jours, les éléments russes ont pris possession du port de Kertch [à la pointe est de la Crimée]. Ils peuvent faire passer du matériel depuis la Russie", explique-t-il.
Sergueï Aksionov, le chef autoproclamé du gouvernement de la région, a annoncé que les habitants de Crimée auront désormais le choix entre conserver leur passeport ukrainien ou acquérir un passeport russe. Pour Johan Bodin, cette décision n’est pas une surprise : "Pour le moment, seule une minorité de russophones possède un passeport russe. Il s’agit principalement des familles des soldats russes qui sont casernés dans les bases de Sébastopol. Donner ce passeport russe aux russophones, c’est renforcer cette présence russe sur la péninsule, et c’est surtout légitimer l’intervention russe".