Le président colombien conserve une majorité parlementaire relative à l’issue des législatives, à valeur de test pour le processus de paix avec les Farc. Le parti de l’ex-chef de l’État, Alvaro Uribe, devient la principale force d’opposition.
Le gouvernement de Colombie, mené par le président conservateur Juan Manuel Santos, disposait d'une majorité parlementaire réduite à l'issue d'élections législatives du dimanche 10 mars. Un scrutin qui a vu un nouveau parti, fondé par le précédent chef de l'État Alvaro Uribe, faire son entrée en scène.
Marquées par un taux abstention s’élevant à 60 %, ces élections constituaient un test important pour la suite des négociations ouvertes depuis 16 mois avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). La coalition gouvernementale de centre-droit a obtenu 47 sièges sur 102 au Sénat, contre 20 pour la liste de l’ancien président Alvaro Uribe, farouche détracteur du processus de paix, qui se voit propulsée première force d'opposition.
La majorité présidentielle remporte en revanche une majorité nette à la Chambre des représentants, qui correspond aux régions, avec 91 sièges sur 163, contre 12 pour les "Uribistes", selon le dernier décompte.
"C'est un signal important pour le pays et pour le monde entier signifiant que l'immense majorité veut la paix", a réagi Juan Manuel Santos, lors d'un discours prononcé au siège de sa formation politique à Bogota. "J'espère que nous pourrons laisser de côté les rancœurs et travailler pour le pays", a-t-il ajouté à l'adresse d’Alvaro Uribe qu'il a félicité pour ses résultats.
Le chef de l'État, qui brigue un second mandat de quatre ans en mai prochain, doit mener à terme les pourparlers avec les Farc, qui comptent encore près de 8 000 combattants, selon les autorités. Le Congrès bicaméral aura pour sa part la tâche de valider l’éventuel accord signé à l'issue des négociations qui se déroulent à Cuba. Et notamment le point sensible de la participation des Farc à la vie politique avec des suspensions de peine.
"On peut dire maintenant qu'il y a une opposition en Colombie. Cette tendance en faveur d'Uribe est un vote de sanction pour Santos. Cela remue nettement les négociations avec les Farc", a réagi auprès de l'AFP Vicente Torrijos, expert en relations internationales.
Nouveau panorama politique
La percée d'Uribe représente une "victoire importante" qui peut changer la donne, selon le politologue colombien Jorge Alberto Restrepo, directeur du Centre d'analyse du conflit (Cerac). "Ce vote redessine le panorama politique par rapport au processus de paix. Cela complique l'horizon de Santos pour gouverner. Il va devoir construire une nouvelle alliance", a-t-il indiqué à l'AFP.
Populaire pour sa politique de fermeté envers les Farc entre 2002 et 2010, Alvaro Uribe, qui a fondé le parti du Centre démocratique, a encore accusé les autorités de céder face à Cuba et au Venezuela, deux références des Farc.
"Nous avons voté contre le castro-chavisme que certains veulent apporter, que le gouvernement favorise et que d'autres préfèrent affronter", a-t-il lancé, entouré de ses partisans depuis son fief de Medellin. "Aujourd'hui est né le Centre démocratique, pour un pays sans hésitation face au terrorisme" et "sans impunité pour que le pardon soit possible", a-t-il ajouté.
Le conflit colombien, le plus ancien d'Amérique latine, a fait plusieurs centaines de milliers de morts et quelque 4,5 millions de déplacés en cinquante ans, mêlant l'armée à des guérillas, des milices paramilitaires et des bandes criminelles.
Fait positif et peu habituel, aucun incident grave n'a été signalé durant le scrutin auquel étaient appelés plus de 32 millions de Colombiens. Selon le ministère de l'Intérieur, les actions armées ont même été réduites de 90 % par rapport aux précédentes législatives de 2010.
Avec AFP et Reuters