
Faisant fi du conflit qui déchire le pays depuis trois ans et les millions de réfugiés sur les routes, le régime syrien prépare la réélection de Bachar al-Assad. Une présidentielle doit se tenir d'ici à juillet 2014.
La Syrie est à feu et à sang et chaque jour apporte son lot de vidéos déchirantes révélant massacres et exactions du fait des belligérants. Depuis trois ans, le régime syrien tente d'écraser la rébellion qui veut le faire chuter et pour cela il n'a pas hésité à utiliser l'aviation militaire contre des zones civiles, ou encore à affamer les populations. Plus de 140 000 personnes ont été tuées lors de ce conflit, et des millions de Syriens ont été forcés à l'exil. Dans un tel contexte, l'hypothèse même d'organiser une élection présidentielle paraît absurde. Et pourtant le régime syrien y compte bien.
Bachar al-Assad n'a rien annoncé quant à sa volonté de briguer un troisième mandat en dépit des opposants, des combattants et des puissances occidentales qui réclament son départ. Mais, dans les secteurs de Damas contrôlés par le pouvoir, les préparatifs de la réélection du président syrien se font sans ambiguïté.
De manière quasi-iréelle au regard des massacres perpétrés ailleurs. Dans les quartiers pro-régime, les rassemblements se succèdent pour prier le président syrien, âgé de 48 ans, de faire acte de candidature à la présidentielle censée se dérouler d'ici juillet.
Selon Reuters, les commerçants sont vivement encouragés à repeindre leurs échoppes aux couleurs nationales, en signe de soutien. Ceux des quartiers populaires, où les préparatifs sont plus discrets, sont menacés d'une amende de 5 000 livres syriennes (30 dollars) s'ils n'obtempèrent pas. Deuxième refus, et c'est l'emprisonnement, raconte un boutiquier du quartier de Rukn al-Din.
Les écoliers sollicités malgré les risques
Le mois dernier, un rassemblement dans le sud de Damas en mémoire aux victimes du conflit s'est transformé en meeting politique. Après avoir remis des récompenses aux veuves de Sayida Zeïnab, un faubourg au cœur de la contre-attaque des forces loyalistes, les orateurs ont plaidé pour un troisième mandat de Bachar al-Assad.
"Le président a dit : 'S'il y a une demande populaire, je me présenterai. Je n'abandonnerai pas mon devoir national'. Je vous demande donc de profiter de ce vaste rassemblement [...] pour demander au président Bachar al-Assad de se présenter pour un nouveau mandat", a ainsi lancé l'imam chiite Al Sayyed Fabi Burhan, cité par Reuters, sous les applaudissements d'une foule partisane.
La scène se répète dans les quartiers sous contrôle gouvernemental, autour des garnisons où vivent notamment les familles de militaires. À l'approche du printemps 2014, des manifestants brandissent de nouveau le portrait d'Assad dans les rues de Damas, en moins grand nombre toutefois que les milliers de protestataires rassemblés en 2011 pour répliquer aux manifestations naissantes contre le chef de l'État.
Des écoliers sont même acheminés en car pour gonfler les cortèges, malgré les inquiétudes de leurs parents en raison des risques encourus."Même si ça peut être dangereux, ils les emmènent en car pour participer à des marches à la fin de leur journée d'école, sans nous informer", déclare la mère d'un garçon de 11 ans, citée par Reuters. "S'ils nous informaient, la plupart des parents n'enverraient pas leurs enfants à l'école ce jour-là", explique-t-elle.
Une campagne en faveur de Moaz al-Khatib sur Internet
Si elle se tient, cette présidentielle devrait toutefois, être différente des autres, du moins en théorie. Les amendements à la Constitution syrienne, adoptés par référendum il y a deux ans, prévoient en effet que, pour la première fois, des candidats pourraient se présenter contre Bachar al-Assad, s'ils obtiennent le soutien de 35 membres du Parlement loyaliste.
Cela, en théorie, marque un changement avec les élections présidentielles de ces quatre dernières décennies, où la seule option offerte aux Syriens était de voter pour ou contre la nomination de Bachar al-Assad, et avant lui de son père Hafez.
Par conséquent et en réponse à la mobilisation pro-Assad, une campagne a été lancée la semaine dernière sur Internet en faveur de la candidature d'une personnalité populaire dans l'opposition, Moaz Alkhatib. Cet ancien président de la CNS a recueilli le soutien de plusieurs dizaines de milliers de partisans, des zones rebelles assiégées jusqu'à la diaspora syrienne en Australie.
L'ancien imam de la mosquée des Omeyyades à Damas, aujourd'hui réfugié au Qatar, a salué cette campagne mais s'oppose à la tenue d'une élection. "Nous ne donnerons aucune légitimité à des élections organisées par le régime", écrit-il sur sa page Facebook.
Si il y a 18 mois, le contrôle de la capitale semblait échapper de plus en plus au président syrien face à l'avancée de la rébellion, le rapport de forces a progressivement basculé au profit du gouvernement. En l'état actuel des choses, les opposants, qui font du départ d'Assad une condition préalable à tout accord de paix, ne bénéficie pas des moyens militaires pour soutenir leur position.
Avec Reuters