
À la Grande mosquée de Paris, François Hollande a inauguré mardi un mémorial destiné aux 100 000 soldats musulmans morts pour la France lors des deux guerres mondiales. Une reconnaissance jugée trop tardive par certains.
"Ces hommes n’étaient pas des inconnus, ils étaient des anonymes". Dans l'enceinte de la Grande mosquée de Paris, François Hollande a rendu hommage, mardi 18 février, aux soldats musulmans morts pour la France durant les deux guerres mondiales. Devant un parterre de ministres, d'ambassadeurs et de descendants de ces combattants, le président français a inauguré, à l'approche du centenaire de la Grande Guerre, un mémorial, constitué de deux plaques et de bornes interactives destinées à retrouver le nom de ces soldats.
Ces "anonymes", ce sont des Algériens, les plus mobilisés (175 000 au cours de la Première Guerre mondiale), mais aussi des tirailleurs sénégalais, des zouaves (unités appartenant à l’armée d’Afrique), ou encore des spahis (membres de la cavalerie marocaine). Sans oublier les goumiers, Marocains également, qui se sont notamment illustrés par leur participation active lors de la libération de la Corse, en 1943. Des Tunisiens, ou encore des combattants venus des Comores, de Djibouti, et des actuels territoires d'Outre-mer complètent ce tableau multiculturel. Au total, ce sont quelque 100 000 soldats musulmans qui sont morts "d’une guerre mondiale à l’autre", rappelle François Hollande. Autant d'hommes dont les livres d’histoire parlent peu et dont les noms n’ont jamais figuré sur aucun monument.
"Réparation"
"C’est une réparation qui est enfin accomplie", s’est félicité François Hollande, estimant que "la fraternité d’armes, née des conflits du XXe siècle, a profondément ancré l’Islam dans la République, dans la défense de sa souveraineté et de sa liberté". "L’hommage que nous rendons aujourd’hui aux soldats musulmans morts pour la France s’adresse à leurs descendants pour qu’ils soient fiers de leurs parents et conscients que la République a une dette à leur égard".
Un message qui se veut apaisant, cinq jours après la profanation d’une mosquée à Blois, dans laquelle une tête de porc a été jetée. "Désormais, ces soldats ne seront plus laissés dans l’oubli, aux archives", a déclaré de son côté Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée, se tenant auprès du président.
Cette réconciliation avec l’histoire en ravit certains, à l’image du professeur Assani Fassassi. "Nous sommes fiers de ce qu’a dit François Hollande", lance-t-il au nom de la communauté sénégalaise, dont des représentants se tiennent à ses côtés. Pour ce Béninois, qu’importe d’ailleurs que tous ces différents peuples soient rassemblés sous le même qualificatif de "musulman". "La grande majorité des Sénégalais qui combattaient étaient bel et bien musulmans, et ce mémorial ne diminue en rien la valeur de ceux qui n’étaient pas de cette religion. Il faut voir cela comme un remerciement adressé au peuple africain dans sa globalité."
Même son de cloche du côté de Houssein Rais, professeur des imams à la Grande mosquée de Paris. "François Hollande n’a fait aucune distinction entre les cultures, c’est ce que nous attendions", affirme-t-il, tout sourire.
"Une cérémonie qui arrive tard"
Cependant, certains, désabusés, apparaissent lassés des discours, un siècle après le début de la Grande guerre. À l’image de Mohand, un Algérien de 77 ans : "Je suis bien évidemment touché par cette cérémonie, car on est tous concernés, mais ce n’est qu’un début", estime-t-il. À ses côtés, Nesaebia, 80 ans, n’a toujours pas l’impression que ses parents, mobilisés tous deux pendant les deux guerres, aient été remerciés à leur juste valeur. Pour ces derniers, la reconnaissance de l’État français s’est trop fait attendre.
Un sentiment que partage Salah Bellouti, président de l'Union nationale des enfants des anciens combattants. "La cérémonie arrive un peu tard", déplore-t-il, rappelant que l’initiateur du projet était Nicolas Sarkozy. "Les jeunes musulmans n’ont plus à dire qu’ils doivent s’intégrer mais doivent être reconnus comme citoyens français à part entière, à partir du moment où leurs pères et leur grands-pères se sont battus pour le drapeau français."
D’autres encore pointent un timing douteux. "Pourquoi inaugurer ce mémorial maintenant, un mois avant les municipales ? La vérité c’est qu’à l’approche de ces élections, les socialistes sont en mauvaise posture", enrage Hassina Sahraoui, directrice de publication du magazine "Salama". "Il faut maintenant que le gouvernement passe de la parole aux actes, en créant une vraie représentativité : tant qu’il n’y a pas de musulmans à l’Assemblée nationale, on n’a rien réglé."