
Après 11 mois de violences, la Centrafrique est désormais confrontée à une pénurie alimentaire. Depuis le 12 février, le Programme alimentaire mondial a lancé un pont aérien. Reportage de nos envoyés spéciaux à Bangui.
Habituellement, c'est une période de récolte en Centrafrique. Ils sont environ 15 000 à travailler dans les champs situés à la périphérie de Bangui. Mais cette année, les paysans se font rares. Ils ne sont qu'une poignée à venir travailler pour assurer les récoltes. Tous viennent du camp de déplacés de l'aéroport de la capitale.
Parmi eux, Rock Zangoa, 21 ans, étudiant en première année d'économie : "Ça nous aide à avoir quelque chose à manger et ça aide aussi la population centrafricaine, commente le jeune homme. Comme il n'y a pas de travail, les légumes deviennent très chers. C'est pour ça qu'on se sacrifie, c'est pour avoir quelque chose à manger".
Le prix du boeuf ont triplé
Le manque de nourriture est déjà visible sur les étals du marché central de Bangui. Surtout au rayon viande. Les éleveurs, des musulmans pour la plupart, sont partis. Depuis le mois de décembre, les prix ont triplé, affirme une bouchère.
Face à cette pénurie, le programme alimentaire mondiale (PAM) a lancé, mercredi 12 février, un pont aérien entre Douala, au Cameroun, et Bangui. Il s'agit de leur plus grosse opération d'urgence depuis depuis des années, "plus importante que pour la Syrie ou les Philippines", indique le porte-parole du PAM Alexis Masciarelli. Soit 80 tonnes de riz acheminés à Bangui presque quotidiennement pendant un mois. Au total, 150 000 personnes devraient pouvoir en bénéficier.
Mais cela restera insuffisant face à l'ampleur de la crise alimentaire, nuance le PAM. "Ça va nous faire un ballon d'oxygène, mais ça ne règlera pas le problème à terme", prévient Alexis Masciarelli. "Pour l'instant, nous ne pouvons pas faire plus", regrette-t-il tout en précisant qu'à ce jour, le programme d'urgence du PAM en Centrafrique, prévu jusqu'en août, a reçu moins d'un quart des 107 millions de dollars demandés. "Nos stocks sont quasiment vides à Bangui."
1,3 millions de Centrafricains ont besoin d'une assistance alimentaire
Selon l'ONU, 1,3 million de personnes, soit plus d'un quart de la population de Centrafrique, ont besoin d'une assistance alimentaire immédiate, en particulier dans les camps de déplacés où s'entassent plus de 800 000 personnes, dont plus de la moitié à Bangui. Dans le principal camp de la capitale, les experts en nutrition du PAM ont déjà recensé plusieurs centaines de cas de malnutrition sévère parmi les enfants. D'autres ont été signalés, notamment parmi les populations musulmanes déplacées à la sortie nord de la capitale.
"Vu l'ampleur des besoins, cette opération va nous permettre de mieux répondre à l'urgence mais pas de refaire nos stocks en prévision de la saison des pluies prévue en mars-avril. Il faudrait pour cela que la route (entre la frontière camerounaise et Bangui, Ndlr) soit rouverte de manière régulière", dit-il. La force africaine en Centrafrique (Misca) a assuré qu'elle allait désormais escorter des convois trois fois par semaine pour rétablir le "corridor de commerce" permettant d'approvisionner la capitale centrafricaine.
"Mais est-ce que les transporteurs vont revenir ?", s'interroge Alexis Masciarelli. Ce week-end, 23 camions du PAM, chargés de 27 tonnes de vivres chacun, ont pu arriver à Bangui sous escorte. Certains d'entre eux étaient bloqués à la frontière depuis le 6 janvier.
Le porte-prole du PAM estime que "la crise alimentaire risque de durer". "Les commerçants sont partis, les pillages se poursuivent, les gens n'ont pas d'argent et les paysans ne produisent plus, faute de semences", conclut-il.