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Motorola, la plus grande erreur de Google ?

Le géant de l’Internet a vendu Motorola au chinois Lenovo pour 2,91 milliards de dollars. Cette transaction sonne comme un échec pour Google qui avait dépensé 12 milliards de dollars en 2011 pour acheter le constructeur de smartphone.

Acheté 12 milliards de dollars (9,15 milliards d’euros) en 2011, revendu pour 2,91 milliards de dollars (2,13 milliards d’euros) en 2014. Cherchez l’erreur. C’est en effet le montant pour lequel Google a cédé au chinois Lenovo, mercredi 29 janvier, la division mobilité de Motorola qui lui appartenait depuis 2011.

Sur le papier, l’affaire semble donc bien peu lucrative pour le géant de l’Internet. Le constructeur de smartphone - plus chère acquisition de l’Histoire de Google - aurait ainsi perdu près de 75% de sa valeur en trois ans. Cette cession indique aussi qu’aux yeux de Larry Page, PDG du mastodonte du Web, Motorola, marque emblématique de la téléphonie “made in America”, vaut moins qu’un constructeur de thermostat intelligent. Google a, en effet, dépensé 3,2 milliards de dollars (2,34 milliards d’euros) pour acheter Nest, le 13 janvier 2014.

L’échec semble d’autant plus cinglant que Google a mis de l’argent et du temps à restructurer Motorola. Il a fermé plusieurs usines, procédé à des coupes franches dans les effectifs et supervisé le lancement de deux nouveaux smartphones - le Moto X et le Moto G - plutôt bien accueillis par la critique. Malgré tout cela, Motorola a continué à peser sur les finances de son riche propriétaire. En octobre 2013, les pertes du constructeur s’élevaient à 238 millions de dollars (174 millions d’euros), soit 24% de plus qu’un an plus tôt.

Tout indique que Google a préféré couper le robinet à pertes, quitte à brader son fabricant de téléphone. Lenovo apparaît, donc, comme le principal bénéficiaire de l’opération. Le géant chinois - qui avait déjà acheté en 2004 la division PC de l’Américain IBM - récupère à bas prix une marque à laquelle les Américains restent attachés. “La récente émergence de Lenovo sur le marché des smartphones [il occupe la troisième place des constructeurs derrière Apple et Samsung, NDLR] reste concentrée en Chine, qui absorbe ici 95% de ses ventes contre 5% seulement pour l’international”, rappelle Jean-François Dufour, fondateur de l’agence de conseil DCA Chine-Analyse. Pour cet expert, “Motorola va permettre à Lenovo de tenter de rééditer sur le créneau des smartphones la formidable percée à l’internationale enregistrée sur celui des PC grâce à l’acquisition d’IBM”.

De brevets et des amis

Mais les choses ne sont pas aussi simples. “La vente de Motorola n’est pas une perte aussi importante qu’on pourrait le croire”, souligne ainsi le "New York Times". D’abord parce que depuis le rachat en 2011 de la marque de smartphone, Google en a déjà revendu une partie pour plus de 2 milliards de dollars (1,46 milliards d’euros). Ensuite les finesses de la fiscalité américaine ont permis à Google d’économiser un milliard de dollars en impôts grâce à cette acquisition. L’addition est donc moins salée qu’elle n'en a l’air.

Surtout, l’accord avec Lenovo prévoit que le géant américain du Net conserve 15 000 des 17 000 brevets appartenant à Motorola. Ce sont ces documents qui, de l’avis général, constituent le principal trésor de guerre du constructeur. Ils ont permis à Google d’avoir davantage de munitions dans les nombreux procès impliquant des brevets qui l’opposent à Apple ou encore Microsoft. Larry Page a, d’ailleurs, assuré lors de la vente à Lenovo que “Google continuera à utiliser les brevets de Motorola pour défendre l’écosystème Android”. Reste à savoir combien valent exactement ces brevets. “Pas grand-chose”, répond Florian Mueller, spécialiste américain du droit de la propriété intellectuelle. Il rappelle que Google n’a jamais réussi à faire triompher ses brevets en justice face à Microsoft ou Apple. Mais, comme le souligne le site économique américain Quartz, ils ont pu en dissuader plus d’un d’attaquer Google.

Cette vente va, peut-être, aussi permettre à Google d’améliorer ses relations avec les autres constructeurs de smartphone Android, comme Samsung, Sony ou HTC. Pour eux, Motorola était comme une épée de Damoclès. Ils pouvaient craindre que Google finisse par favoriser son fabricant maison de téléphone, ce qui aurait fini par heurter leurs propres ventes. Samsung était, à cet égard, particulièrement nerveux. Conscient de sa dépendance à l’égard d’Android et, donc de Google, le constructeur sud-coréen planche depuis plus d’un an sur Tizen, son propre système d’exploitation pour smartphone. Google peut espérer qu’en revendant Motorola, Samsung va moins se hâter à chercher à quitter le giron d’Android.

Tags: Motorola, Google, Chine,