
De plus en plus de jeunes Européens se rendent en Syrie pour faire le djihad. En Belgique, ils seraient 200 à 300 à combattre les forces de Bachar al-Assad. Souvent mineurs, ils partent à l’insu de leurs parents.
À l’instar de nombreux Européens, les djihadistes belges sont de plus en plus nombreux à tenter de rejoindre la Syrie, afin de faire la "guerre sainte" contre le régime de Bachar al-Assad. De l’aveu même du ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, quelque 200 ressortissants du royaume sont actuellement présents sur le sol syrien, tandis qu'une vingtaine d’entre eux ont été tués dans les combats.
Souvent mineurs et inexpérimentés, ces djihadistes partent à l’insu de leurs parents en laissant tout derrière eux. Aujourd'hui certaines familles à bout de force osent occuper le terrain médiatique et demander au gouvernement belge de les aider.
"Nos enfants ont été manipulés ils n’ont pas été de leur propre volonté […], ce sont des enfants belges. Ce sont des Belges, pas des terroristes", expliquait récemment à FRANCE 24 une mère de famille, qui manifestait aux côtés d’autres parents devant le Parlement européen de Bruxelles.
"On s'est réveillé un matin et son lit était vide"
FRANCE 24 a recueilli le témoignage de plusieurs parents, soutenus moralement par le collectif des parents concernés, et qui ont accepté de se confier. Parmi eux, Samira raconte l’histoire de sa fille Nora. Âgée de 19 ans, elle est partie combattre en Syrie il y a huit mois. "On s'est réveillé un matin et son lit était vide. C'était un dimanche, explique Samira. Elle me disait toujours 'je ne sers à rien ici, j'ai envie d'aider, j'ai envie d'aider'".
Nora s’est rendue en Syrie pour y rejoindre son mari, tué quinze jours après leurs retrouvailles. Malgré cet évènement, elle est restée au front. Comme au jour du départ de sa fille, qu’elle décrit sérieuse, gaie, et surtout très croyante, Samira reste impuissante face à un tel choix.
"Même si je pars dans un pays en guerre, je ferais en sorte d'être bien. Maman, tu voulais mon bonheur, j'ai trouvé le bonheur, et quand je ne serais plus là, j'espère que tu diras 'je suis fière de ma fille'. Je t'aime, j'aime Allah. Je t'aime, j'aime Allah avant tout", est-il écrit dans une lettre envoyée par la jeune femme et restituée à la mère par la police. Samira n’espère qu’une chose : que sa fille revienne saine et sauve.
Dimitri, un ancien militaire, a connu cette joie. Son fils Yayoun, âgé de 18 ans, est récemment rentré après huit mois de djihad en Syrie. Il a pris conscience que ce n'était pas sa guerre. Rapatrié par une ONG française, il ne constitue pas un danger pour la société, selon son père. "Il n'est pas traumatisé, pas plus qu’il ne s'est radicalisé", assure Dimitri, qui s’est rendu par trois fois en Syrie, seul, pour tenter de ramener son fils en Belgique.
Un retour impossible?
Toutefois, Yayoun a fait 37 jours de prison à son retour en Belgique. Il vit aujourd’hui dans l’attente de son procès pour participation à des activités d'un groupe terroriste. Il lui est interdit de sortir après 19 heures, de retourner à la mosquée et de parler aux médias. Son père estime que les autorités belges ont tort de stigmatiser ainsi les candidats au retour de leur djihad, car une telle politique est susceptible de les encourager à rester sur place, plutôt que de rentrer pour se faire interpeller.
Un avis que partagent d’autres parents, qui veulent favoriser le retour de leurs enfants. "Il vaut mieux prévoir un encadrement très strict et serré, un processus de déradicalisation, et un suivi de ces personnes pour éviter qu’éventuellement des activités menées en Syrie soient importées en Europe. Et il y a un réel enjeu dans son ensemble" argue, de son côté, Alexis Deswaef, avocat des familles et du collectif des parents concernés.
De son côté, le ministère de l'Intérieur indique que les ressortissants n'ayant pas commis de faits répréhensibles peuvent revenir en Belgique.
Malgré les mesures de démantèlement en cours des multiples filières de recrutement en Europe, le nombre de djihadistes européens ne cesse d'augmenter. La Belgique n’est pas le seul pays concerné. Ils seraient 250 Français à combattre le régime de Bachar al-Assad, et 270 Allemands. Un phénomène qui inquiète les gouvernements de ces pays qui craignent qu’à leur retour, une fois aguerris, ils ne passent à l’action.