Déçus des négociations entre le président Ianoukovitch et les leaders de l'opposition ukrainienne, qui n'ont abouti jeudi qu'à de maigres concessions, les manifestants restent mobilisés à Kiev, où ils ont commencé à ériger de nouvelles barricades.
Les négociations ont échoué et "l’offensive" se met en marche. Les manifestants antigouvernementaux ont commencé, vendredi 24 janvier au matin, à ériger de nouvelles barricades dans le centre de Kiev après s’être emparés dans la nuit du ministère de l'Agriculture. La rencontre entre le président Viktor Ianoukovitch et les représentants de l’opposition, jeudi, n’avait abouti qu'à de maigres concessions.
Le chef de l’État, cible de la contestation depuis sa décision de renoncer à un partenariat commercial avec l’Union européenne en novembre, a reçu pendant plus de quatre heures l’ancien boxeur Vitali Klitschko, l’ancien ministre de l’Économie Arseni Iatseniouk et le leader nationaliste Oleh Tyahnybok. Une rencontre qui n’a laissé qu’une amère déception pour l’opposition, alors qu’elle attendait un dialogue décisif.
"Plusieurs heures de conversation ont été dépensées en vain. Il ne servait à rien d’aller s’asseoir à la table des négociations avec quelqu’un qui a décidé par avance de vous tromper", a relaté Vitali Klitschko, jeudi soir, devant les manifestants qui continuent d’occuper la place de l’Indépendance dans le centre de Kiev.
Klitschko veut éviter un "bain de sang"
Vitali Klitschko, qui a également rencontré les protestataires sur les barricades érigées dans le centre de la capitale, a espéré que la situation "n’aboutisse pas à un bain de sang et que personne ne soit tué". "J’ai peur qu’il y ait des morts, j’ai vraiment peur de ça", a dit l’ancien boxeur faisant référence aux trois personnes tuées, dont deux par balles, lors de heurts entre des manifestants et la police anti-émeutes, mercredi matin.
Le chef de file de l’opposition a précisé que Viktor Ianoukovitch avait refusé toute concession et rejeté l’idée que lui-même ou son gouvernement démissionne. "La seule chose que nous avons obtenu de notre rencontre avec Ianoukovitch, c'est une promesse de libérer tous les militants", a poursuivi Arseni Iatseniouk.
Le nationaliste Oleh Tyahnybok a ajouté que le président avait proposé à l'opposition de libérer la rue Grouchevski, théâtre des violentes scènes de guérilla urbaine depuis dimanche, en échange de la tranquillité sur la place de l'Indépendance, occupée depuis deux mois quelques centaines de mètres plus loin. Les dirigeants de l'opposition sont restés vagues sur leurs intentions de tenir de nouvelles négociations.
Un des leaders d'Automaïdan, mouvement de manifestants en voiture, Dmytro Boulatov, 35 ans, est porté disparu depuis mercredi. Sans nouvelles de lui, son épouse et ses collègues craignent pour sa vie après la découverte mercredi dans la banlieue de Kiev du corps sans vie d'un autre militant qui avait été kidnappé. Très actif contre le président Ianoukovitch, Boulatov a organisé plusieurs actions spectaculaires devant la résidence de campagne du chef de l'État, devenue un symbole de la corruption. Il avait déclaré, il y a quelques jours, être "devenu dangereux d'être militant d'Automaïdan".
Elargir le mouvement
De son côté, Vitali Klitschko a appelé à un élargissement du mouvement, à Kiev mais également dans d’autres villes du pays. "Je pense qu’il faut progresser pas à pas, aujourd’hui quelques villes, demain un plus grand nombre. Aujourd’hui quelques barricades, demain un plus grand nombre. Nous allons étendre le territoire de ‘Maidan’", a-t-il dit en référence au surnom donné à la place de l’Indépendance.
Arseni Iatseniouk a repris l’idée que de nouvelles barricades devaient être érigées dans la capitale afin de soutenir le mouvement de protestation. "Il y a une liste de demandes qui n’ont pas été satisfaites. Allons-nous nous replier ? Non ! Construisons maintenant de nouvelles barricades", a-t-il lancé. Selon des témoins, un millier de manifestants, certains armés de bâtons et portant des masques, ont immédiatement répondu à cet appel et ont commencé à ériger de nouvelles barricades plus près du palais présidentiel.
Cet échec de la discussion vient doucher les espoirs nés dans la journée de jeudi, lorsque Ianoukovitch avait accepté de renouer le dialogue, et même convoqué une réunion extraordinaire du Parlement. Les manifestants avaient alors observé une trêve.
Par ailleurs, la France va convoquer vendredi à Paris l'ambassadeur d'Ukraine pour lui exprimer sa "condamnation" de la répression des manifestations à Kiev, a annoncé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, se disant "inquiet et indigné". L'Allemagne va faire de même avec l'ambassadeur d'Ukraine à Berlin.
Avec AFP et Reuters