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Actuellement en débat à la Constituante, le volet judiciaire de la future Loi fondamentale cristallise les tensions en Tunisie. Mercredi, les magistrats ont manifesté pour demander que l’indépendance de la justice soit garantie. Reportage à Tunis.

La rédaction de la Constitution crispe la société tunisienne. Après les médecins et les avocats, les juges ont manifesté, mercredi 15 janvier, devant le siège de l’Assemblée constituante pour dénoncer des articles de la future Loi fondamentale qui, selon eux, ne garantissent pas l’indépendance de la justice. "Non à la domestication du pouvoir judiciaire", "Honte à la Constituante qui veut un retour à la colonisation" de la justice, "Le peuple veut l'indépendance de la magistrature", ont ainsi scandé les manifestants.

Ces derniers jours, des débats houleux à la Constituante ont abouti au rejet d'une série de dispositions controversées, notamment celles traitant du rôle de l'exécutif dans la nomination des magistrats et des compétences des tribunaux militaires.

En attendant la reprise des discussions et des solutions de remplacement, les juges en colère, soutenus par les députés de l’opposition, ont décidé de se faire entendre dans l’hémicycle. "Le plus important, c’est que le président de l’Assemblée constituante accepte de recevoir les juges à notre demande parce que, malheureusement, Ennahda [parti islamiste] et la majorité refusent d’écouter l’association et le syndicat des juges."

"Domination"

Après négociations, les juges ont finalement pu pénétrer dans l’Assemblée où, avec plusieurs députés, ils se sont penchés sur le volet judiciaire actuellement en discussion. Véritable pomme de discorde, l’article 108 concernant l’application des décisions de justice est perçu comme une ingérence de l'exécutif qui pourrait mener à une "domination", comme c'était le cas sous le règne du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali. "On a cru que le chapître du pouvoir judiciaire n’allait pas poser de problèmes, surtout que la majorité désormais au pouvoir a souffert de l’injustice de certains juges sous l’ère Ben Ali", déplore Raoudha Laabidi, présidente du syndicat des juges.

Face aux critiques des magistrats, Ennahda dénonce un procès d'intention, alors même que les islamistes étaient les premières victimes de tribunaux aux ordres de l'exécutif, le régime déchu ayant toujours usé de la justice pour faire taire et emprisonner ses détracteurs. "Nous ne sommes pas pour la suprématie du pouvoir des juges. Le pouvoir judiciaire doit être sous contrôle. C’est pourquoi, on essaye de trouver un compromis pour créer des instances de contrôle", estime Sahbi Atigue, un député Ennahda.

Le projet de Constitution est examiné article par article depuis près de deux semaines, mais les récentes controverses ont paralysé son adoption qui avait été promise par la classe politique pour le 14 janvier, troisième anniversaire de la révolution. Environ un tiers des quelque 150 articles doivent encore être examinés avant que le projet dans son ensemble soit soumis au vote.

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