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Au Chili, des associations veulent faire mordre la poussière au Dakar

Au Chili, comme dans plusieurs autres pays sud-américains, des associations dénoncent l’impact environnemental et patrimonial du Dakar. L’une d’elle vient cependant d’être déboutée par la Cour suprême.

Comme chaque année depuis maintenant 35 ans, la tenue du rallye Dakar s’accompagne de son lot de polémiques humaines et environnementales. Son transfert en Amérique du Sud en 2009 n’a pas apaisé ses détracteurs.

Tandis que les amateurs de grosses cylindrées se massent sur le parcours qui traverse l’Argentine, la Bolivie et le Chili, les polémiques resurgissent. En cause, les conséquences supposément néfastes de la compétition sur l’environnement et le patrimoine.

Au Chili, où l’édition 2014 du Dakar doit se conclure le 18 janvier à Valparaíso, plusieurs associations sont montées au créneau ces derniers jours. Elles déplorent le bilan carbone de la course, mais surtout les dégâts provoqués par les concurrents sur les sites archéologiques de la région. Le combat qu’elles mènent dure depuis six éditions.

"Une destruction en toute impunité"

Paola González, vice-présidente du Collège des archéologues du Chili, est l’une des figures de proue de cette contestation. "En 2010, le Conseil [chilien, NDLR] des monuments nationaux a débuté une série d’études pour mesurer l’impact environnemental du Dakar. Il estime que le nombre de sites archéologiques détruits se porte aujourd’hui à 250. Pourtant, au Chili, la loi sur les monuments nationaux considère la destruction de ces sites comme un délit", explique-t-elle à FRANCE 24. Et d'ajouter qu'elle regrette "la destruction en toute impunité d’un patrimoine historique national, d’une mémoire nationale non renouvelable".

C’est le statut légal de cette course qui pose problème, poursuit-elle : "On se retrouve face à un dilemme au niveau institutionnel, parce que normalement, quand on a affaire à un délit de destruction de monuments nationaux, le Conseil de défense de l’État (CDE) doit poursuivre les coupables. Le problème se situe au niveau du fait que le Dakar est co-organisé par l’Institut national du Sport [avec l’entreprise française Amaury Sport Organisation (ASO), NDLR]. Le CDE est donc mains liées, car il ne peut pas se retourner contre un autre organisme public."

ASO du côté de la loi

Contacté par FRANCE 24, ASO réfute les accusations du Collège des archéologues du Chili. "Au Chili comme dans chaque pays que nous traversons, les choses sont simples : nous ne sommes pas chez nous et nous nous conformons à la législation locale", explique Grégory Murac, directeur des relations entre le Dakar et les pays hôtes.

"Nous avons un processus simple. Tout d’abord, nous proposons un parcours sur carte aux pays traversés. Ensuite, ils étudient ce projet et nous font des recommandations auxquelles nous nous adaptons. Une fois cette étape franchie, nous nous rendons sur place avec des spécialistes mandatés par les autorités locales pour effectuer une reconnaissance de l’intégralité du parcours. De ce processus découle un rapport sur chaque site, qui propose des mesures de protection appropriées, auxquelles nous nous conformons avant le départ de la course."

La Cour suprême déboute le Collège des archéologues du Chili

En janvier 2013, le Collège des archéologues du Chili, appuyé par d’autres associations, a déposé un recours pour contraindre l’Institut national du sport à répondre de ces supposées dégradations devant la justice.

"Le vrai problème, c’est qu’en dépit de notre législation, le Dakar n’est soumis à aucune obligation d’auto-évaluation car la course est considérée par l’Institut national du Sport comme n’étant pas soumise à la loi sur l’impact environnemental. […] Au final, les sites archéologiques sont ‘protégés’ par deux piquets de métal reliés par un bandeau de plastique coloré", déplore Paola González.

Une analyse que conteste Grégory Murac. "Entre les appréciations personnelles et la réalité, il y a parfois un monde. Le souci, c’est que cette association assigne le Dakar en se basant sur ses appréciations personnelles et non sur des faits attaquables en justice."

La Cour suprême, qui a rendu son verdict mercredi 8 janvier, a d’ailleurs débouté l’association en se basant sur des arguments similaires.

L’Équateur a dit "non"

En dépit de cette levée de boucliers contre le Dakar 2014, de nombreux observateurs estiment que l’organisation de cette course au Chili constitue une formidable opportunité pour l’économie et le rayonnement du pays. Un argument que Paola González n’estime pas recevable : "Il faut relativiser les bénéfices financiers qui vont avec l’organisation du Dakar au Chili. Il faut savoir que, chaque année, le pays dépense 6 millions de dollars [4,4 millions d’euros, NLDR] pour que le Dakar soit organisé sur notre territoire. Et la logistique que nécessite l’organisation d’une telle compétition a également un coût financier."

Plusieurs pays de la région ont décidé de se passer de cette "opportunité". L’Équateur, qui avait un temps été envisagé pour accueillir plusieurs spéciales en 2015, a finalement refusé l’invitation, invoquant des raisons environnementales.

Et en Argentine, tout comme au Chili, des associations tentent de faire interdire la course. Un projet de loi intitulé "Santa Fe libre de Dakar" a même vu le jour à l’initiative de plusieurs mouvements écologistes.

Le Dakar pas menacé à court terme

Pour autant, le Dakar ne semble pas menacé dans un futur proche. En dépit de la grogne des associations locales, les pouvoirs publics estiment que l’événement est incontournable. "Nous allons pouvoir continuer à profiter de ce vecteur de promotion de notre région à travers le monde, qui nous permet d’être regardé dans plus de 120 pays", s’était félicité, en mars 2013, le ministre argentin du Tourisme, Enrique Meyer.

Sur le même ton, le ministre bolivien de la Présidence Juan Ramón Quintana avait rendu hommage à l’"énorme travail" du gouvernement d’Evo Morales pour pouvoir accueillir le rallye. Pour la Bolivie, le passage du 6e Dakar sud-américain est une première et permettra de "faire connaitre au monde les 36 peuples indigènes qui composent le pays", expliquait-il alors.

Et au Chili non plus, la situation ne devrait pas connaître un revirement significatif. Au contraire, l’élection de Michelle Bachelet à la tête du pays marque le retour aux affaires de celle qui, en 2009, avait accueilli le Dakar à bras ouvert.