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Coups de feu et panique : journée de terreur à Bangui

La journée de Noël a été émaillée de violences dans les quartiers nord de Bangui puis aux abords de l'aéroport, où des tirs nourris ont été entendus jusqu'à la tombée de la nuit. Un bilan provisoire fait état d'une quarantaine de victimes.

Le chaos grandit de jour en jour en Centrafrique. Les quartiers nord de Bangui ont été le théâtre de coups de feu d’origine indéterminée, mercredi 25 décembre, jour de Noël. Vers 15 heures locales, les tirs se sont rapprochés de l’aéroport, tenu fermement par les soldats français et les différents contingents de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique [Misca].

Six soldats du contingent tchadien ont été tués lors des affrontements, a annoncé jeudi à l'AFP un porte-parole de cette force. "Hier [mercredi, NDLR], la ville était dans la confusion totale, et cette confusion a duré jusqu'à la fin de soirée, nous essayons aujourd'hui de comprendre ce qui s'est passé", a déclaré le porte-parole.

Si les auteurs des tirs n'ont pas pu être identifiés, l'usage de mitrailleuses lourdes et la présence dans les zones de combats de 4X4 et blindés du contingent tchadien de la Misca laissent tout de même penser que des militaires tchadiens étaient impliqués. Un journaliste de l’AFP basé à l’aéroport et l’équipe de FRANCE 24 envoyée à Bangui ont pu observer des centaines d’habitants paniqués des quartiers voisins fuir à pied. Courant entre les maisons en tentant de rester à couvert, ils prenaient la direction du centre-ville.

Selon David Pierre Marquet, un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge, l'antenne centrafricaine de l'ONG aurait récupéré au moins quarante cadavres depuis mercredi.

"Une quarantaine de corps ont pour l'instant été ramassés et des premiers soins ont été apportés à une soixantaine de blessés", a-t-il expliqué. Il a par ailleurs précisé que, le 23 décembre, "une soixantaine" de corps avaient déjà été trouvés dans la capitale.

Dans les secteurs les plus exposés, les familles terrorisées s'accroupissaient sous les tables, se réfugiaient sous les lits par peur des balles perdues, appelant sans cesse leurs proches au téléphone. "Les Séléka [ex-rébellion, au pouvoir, NDLR] nous tuent, ils sont entrés dans le quartier, ils tirent sur la population", a affirmé à l'AFP l'un de ces habitants. D'autres évoquaient, au contraire, une attaque de la milice d'auto-défense chrétienne "anti-balaka".

L'aéroport, zone refuge

Dans la cohue, certains sont venus trouver refuge aux abords des pistes de l'aéroport, où s'agglutinent déjà dans la précarité plusieurs dizaines de milliers de déplacés ayant fui les violences de ces trois dernières semaines. Une dizaine de blindés français se sont un moment déployés devant l'entrée de l'aéroport, déjà sécurisée par les soldats français, en position de combat derrière leurs sacs de sable.

Vers 19 heures locales, le calme était revenu dans une capitale centrafricaine plongée dans l’obscurité et où les communications téléphoniques sont de plus en plus difficiles. Mis à part les six soldats tchadiens tués, aucun bilan n’était disponible, jeudi 26 décembre, sur les événements très confus de la veille.

Un habitant du PK5, un quartier mixte à dominante musulmane sur la route du centre-ville, a fait état de plusieurs personnes tuées par des "anti-balaka" infiltrés dans le secteur. Les corps des victimes, dont il n'a pas précisé le nombre, ont été rassemblés dans une mosquée du quartier.

Le contingent tchadien mis en cause

Depuis le 5 décembre, un millier de personnes ont été tuées dans des combats en Centrafrique. Les 1 600 soldats français et les 4 000 hommes de la force africaine semblent ne pas suffire à contenir les violences, attisées par les haines confessionnelles entre chrétiens et musulmans.

Mis en cause dans plusieurs incidents récents, et accusé par de nombreux Banguissois de complicité avec l'ex-Séléka, le contingent tchadien de la Misca devrait prochainement quitter Bangui et être redéployé dans le nord du pays à majorité musulmane, a annoncé un porte-parole de la mission sans donner plus de précision.

Le chef du contingent burundais a révélé mardi que ses hommes avaient été la cible, la veille, d'une attaque de soldats tchadiens, avec tirs d'armes automatiques et jets de grenades. L'attaque avait été repoussée et trois soldats tchadiens blessés. Le matin même, une patrouille tchadienne avait brièvement ouvert le feu - sous l'œil des journalistes - sur des manifestants anti-Séléka devant l'aéroport, faisant un mort.

Avec dépêches AFP