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Soudan du Sud : "La police regardait ceux qui se faisaient tuer"

L'envoyé spécial de FRANCE 24 au Soudan du Sud a rencontré des témoins à Juba qui accusent les Dinka, groupe ethnique dont le président Kiir est issu, d'avoir massacré des dizaines de Nuer, ethnie du vice-président Machar, les 16 et 17 décembre.

Un climat de guerre civile règne au Soudan du Sud. D’après des témoignages recueillis par l’envoyé spécial de FRANCE 24 au Soudan du Sud, Duncan Woodside, plusieurs dizaines de personnes appartenant au groupe ethnique Nuer ont été massacrées par des Dinka portant l’uniforme de l’armée les 16 et 17 décembre. Les combats entre l’armée et les rebelles ont commencé le 15 décembre, depuis que le président Salva Kiir, un Dinka, accuse son ancien vice-président, Riek Machar, un Nuer, de fomenter un coup d’État.

Duncan Woodside s’est rendu les 22 et 23 décembre dans un centre de soins de fortune installé sur une base des Nations unies près de l’aéroport de Juba. Là, plusieurs blessés, des Nuer, ont raconté leurs persécutions, à l’intérieur et autour de la capitale Juba, par des hommes en uniforme. Selon ces victimes, il s’agit de Dinka appartenant aux forces de sécurité.

L’un d’eux raconte : "On entendait des tirs. Pas des tirs sporadiques, mais un seul à la fois. Toutes les heures ou toutes les 5 minutes, on entendait un tir et puis cinq minutes plus tard, un autre tir, ( ...) je pensais que j'allais mourir. Puis la police était devant ma porte, elle m'attendait et regardait ceux qui se faisaient tuer. Ensuite, j'ai dû m'enfuir discrètement en cassant mon portail en bambou".

Seulement 12 survivants

D’après d’autres témoignages, il ne s'agit pas seulement d'assassinats au coup par coup. Selon deux survivants blessés, plus de 250 hommes ont été conduits dans un commissariat de police. Tous, à l'exception de 12 d'entre eux, auraient été massacrés. "C'était horrible, car pour survivre il fallait se couvrir avec des cadavres, et après deux jours, les corps ont commencé à sentir vraiment mauvais", se souvient l’un des deux rescapés.

De son côté, l'armée dément toute implication dans les assassinats perpétrés à Juba. Un porte-parole, Philip Aguer, contacté par FRANCE 24, accuse des criminels, dont certains auraient volé des uniformes de l'armée, d’être responsables des massacres. Il affirme que les responsables seront arrêtés et jugés.

Le bilan des combats qui déchirent depuis près de deux semaines le Soudan du Sud atteindrait plusieurs milliers de morts, selon les Nations unies, qui ont autorisé mardi l'envoi de 6 000 Casques bleus supplémentaires dans le pays. Dans une résolution approuvée à l'unanimité, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont fermement condamné les violences entre Nuer et Dinka, ainsi que les "violations des droits de l'Homme et les exactions commises par toutes les parties, y compris les groupes armés et les forces nationales de sécurité".