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Édouard Martin, un sidérurgiste dans les hauts-fourneaux de la politique

Édouard Martin, jusqu'ici syndicaliste emblématique de la lutte menée par les salariés d’ArcelorMittal, sera tête de liste socialiste aux élections européennes. Un tournant dans sa carrière qui dérange à droite et parmi certains de ses ex-collègues.

Son aisance médiatique, sa posture de meneur et ses prises de position ferme ont toujours laissé entrevoir un possible engagement en politique d’Édouard Martin. C’est chose faite depuis mercredi 18 décembre, jour où le leader des salariés révoltés de Florange a rendu sa carte de syndicaliste pour rejoindre le Parti socialiste. Le 25 mai prochain, cette "grande gueule" de 50 ans conduira la liste socialiste aux élections européennes dans la circonscription du Grand-Est.

Un tournant dans la carrière de ce sidérurgiste passionné, originaire d’Espagne. "Je m’engage dans une nouvelle mission, mais je n’ai pas programmé de faire une carrière politique […] J'ai simplement envie de continuer le combat que nous menons depuis maintenant plusieurs années sur le maintien de l'industrie en France et en Europe, et j'ai envie de le poursuivre à un autre niveau, au niveau européen", a-t-il expliqué mardi soir sur France 2.

À la tête de la CFDT depuis 2009, il a mené, durant l’automne 2012, une lutte acharnée contre ce qu’il qualifiait d’"économie cannibale" - dans l’épineux dossier de la fermeture des hauts-fourneaux de Florange. Au cours de ces années de lutte, il a largement exposé son image de syndicaliste dans les médias, jusqu’à être mis en contact avec le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, pour des échanges musclés. Ses propos sont restés tout aussi virulents après l’élection de François Hollande, ce que n’a pas manqué de lui rappeler la droite après avoir appris son ralliement au camp socialiste.

Désormais, il y aura Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Édouard Martin

"On va beaucoup parler de lui", prédit Eddy Fougier, chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), cité par l’AFP. "Il n'y aura pas que Marine Le Pen, que (Jean-Luc) Mélenchon qui seront au cœur du débat. Il y aura aussi Édouard Martin."

Tweet de Delphine Batho,ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie

Décision courageuse de #EdouardMartin. La gauche a besoin de sa pugnacité. L'Europe a besoin d'entendre la voix des ouvriers.

— Delphine Batho (@delphinebatho) 17 Décembre 2013

À la sortie des usines d'ArcelorMittal à Florange, certains se félicitent de cette bouffée d’air frais dans le paysage politique français. "C'est un battant, il aura la même rage" en politique que quand il était le leader local de la CFDT, estime Nicolas Dauphin, un intérimaire de 28 ans.

Ses origines syndicales, qui tranchent avec les parcours élitistes des hommes politiques traditionnels, représentent un atout, selon l’expert Eddy Fougier : "[Le PS fait] appel à quelqu'un de la société civile" à un moment où "les politiques ne sont plus nécessairement vus comme crédibles".

Pourtant, cette candidature est loin de faire l’unanimité. À Florange, notamment, d’aucuns dénoncent cette reconversion, assimilée à un pacte avec l’ennemi. "Édouard Martin s'est servi de nous !", lance ainsi un représentant du syndicat Force ouvrière.

Accusé de trahir Florange par le Front national et qualifié de "vendu" par l’UMP Nadine Morano, l’ex-syndicaliste ne se laisse cependant pas distraire. "Je n’ai aucune leçon à recevoir", répond-il. Son combat, il entend le poursuivre au plus haut, là où "se prennent toutes les grandes décisions", mais continue à assurer que sa perception de la politique est toujours aussi négative. "Je porte sur elle un regard très critique. Tant de violence, tant de mauvaise foi…", décrit-il au journal "Le Monde". D’ailleurs, l’engagement d’Édouard Martin a déjà des limites : au Premier secrétaire Harlem Désir, il a fait savoir qu’il n’entendait pas prendre sa carte au PS. "Il m'a répondu que ce n'était pas un problème, que sa seule exigence était que, une fois élu, je rejoigne le groupe socialiste au Parlement européen. J'ai dit OK."