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PSA-Dongfeng : un rapprochement gagnant-gagnant ?

Le constructeur français PSA a officialisé les négociations en cours pour une éventuelle entrée dans son capital du géant chinois de l’automobile Dongfeng. Un éventuel rapprochement qui semble recevoir l’aval de Paris. Décryptage des enjeux.

L’alliance avec Dongfeng permettrait à PSA Peugeot Citroën “de rebondir”, selon Arnaud Montebourg. Le ministre du Redressement productif, traditionnellement grand défenseur du "made in France", semblait, jeudi 12 décembre, enthousiaste à l’idée d’une entrée du géant de l’automobile chinois au capital du constructeur français. La route qui passe par la Chine semble d'autant plus intéressante que l'autre partenaire de Peugeot, l'Américian General Motors, a annoncé qu'il vendait l'intégralité de ses participations dans le groupe français.

PSA, deuxième constructeur européen de voitures derrière Volkswagen, avait publiquement reconnu, quelques heures plus tôt, que des négociations en vue d’un éventuel rapprochement avec Dongfeng avaient lieu. Des rumeurs au sujet de discussions entre les deux groupes circulaient depuis quelques jours dans les médias.

La marque française, actuellement à la peine même sur les marchés brésilien et russe qui lui réussissaient jusqu’à présent, aurait tout intérêt à resserrer ses liens avec le deuxième constructeur chinois d’automobiles. Mais pas pour la raison qu’on invoque généralement en premier lorsqu’il est question de la Chine : “Ce n’est pas pour permettre à PSA d’avoir accès au marché chinois, car le constructeur français a déjà un accord avec Dongfeng en ce sens”, rappelle Jean-François Dufour, président du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse.

Un intérêt 100 % financier

L'intérêt de cette éventuelle alliance serait à 100 % financier. Non seulement, une entrée de Dongfeng au capital de PSA implique un apport immédiat de fonds, mais “c’est aussi la porte d’entrée pour avoir accès aux prêts des banques chinoises”, affirme Jean-François Dufour. Pour cet expert, le principal avantage des constructeurs automobiles chinois sur leurs concurrents européens est le soutien sans faille des banques chinoises à un secteur que Pékin a désigné comme prioritaire. “C’est comme ça que Volvo, racheté il y a trois ans par Geely, a pu bénéficier des prêts bancaires chinois qui lui ont permis de rebondir”, remarque Jean-François Dufour.

Le scénario rêvé de PSA serait, donc, le suivant : Dongfeng met de l’argent sur la table pour entrer au capital de PSA. Une alliance qui facilite alors la vie du constructeur français pour obtenir des prêts, et incite son nouveau partenaire chinois à continuer à le soutenir financièrement pour que l’investissement des banques soit justifié.

Partenaires un jour, concurrents demain ?

Reste un détail pour que le rêve devienne réalité : que Dongfeng accepte. L’enjeu, pour le Chinois, est essentiellement de profiter de transferts des technologies du groupe français. “Les constructeurs chinois sont actuellement sous pression de Pékin pour développer leurs propres marques de voitures capables de concurrencer les marques occidentales, mais ces groupes ne sont pour l’instant pas encore technologiquement au point pour le faire”, explique Jean-François Dufour.

C’est d’autant plus important pour Dongfeng qu’il est le seul grand constructeur automobile chinois à ne pas avoir le genre de participation directe dans des marques occidentales, qui favorise les transferts technologiques.

L’appétit présumé du groupe chinois pour des technologies parfois sensibles est, en outre, la raison pour laquelle Matignon a affirmé, jeudi 12 décembre, “suivre de très près” les négociations entre les deux groupes.

Une implication d’autant plus importante de l'État français que de l'autre côté, Dongfeng jouera probablement une carte de choix au sein de l'appareil du régime chinois pour peser sur les négociations. L’actuel ministre de l’Industrie, Miao Wei, a, en effet, été le patron du constructeur chinois au début des années 2000.

Pour PSA, un rapprochement avec le constructeur chinois se révèlerait donc tout à son avantage à court et moyen terme, alors que Dongfeng mise, de son côté sur le long terme. Si pour l’instant, les deux intérêts ne sont pas antagonistes qu’en serait-il lorsque, grâce à la technologie de PSA, le nouveau meilleur ami de Peugeot deviendrait aussi l’un de ses concurrents ?