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New York: conte de Noël "geek"

Leo Grand, un SDF de New York, vient de sortir sa première application pour smartphone, "Trees for cars". Six mois plus tôt, un jeune programmeur avait décidé de lui apprendre à coder. Un conte de Noël ou une histoire de Pygmalion 2.0 ?

C’est un conte de Noël pour geek. L’aventure humaine derrière la sortie, mercredi 11 décembre, de la nouvelle application “Trees for cars” ("Des arbres pour des voitures") a de quoi réchauffer le cœur des technophiles. Cette "appli écolo” a, en effet, été créée par Leo Grand, un SDF new-yorkais, qui n’y connaissait rien à la programmation il y a encore six mois.

En août 2013, le destin lui fait croiser la route de Patrick McConlogue. Le jeune programmeur de 23 ans fait une proposition à ce sans-abri dont il ne savait rien sinon qu’”on pouvait voir dans ses yeux qu’il avait perdu beaucoup de batailles dans la vie”, comme il l’explique dans un billet de blog décrivant sa démarche. Leo Grand peut, soit recevoir un billet de 100 dollars, soit suivre pendant 16 semaines des cours de programmation informatique avec Patrick McConlogue à raison d’une heure par jour. Il opte pour la formation accélérée.

Un choix qui ne fait pourtant pas l’unanimité au regard des nombreuses critiques suscitées par le billet de blog du jeune informaticien américain. Que ce soit sur le site du Washington Post, sur le célèbre blog technologique TechCrunch ou dans les commentaires de l’article, “l’incroyable arrogance” de ce Pygmalion 2.0 est à chaque fois pointée du doigt. “Il ne cherche même pas à savoir de quoi cet homme a réellement besoin”, s’insurge ainsi le Washington Post. “Vous pensez qu’il a vraiment le temps d’apprendre le Javascript quand il doit en parallèle chercher un toit chaque soir et réfléchir comment il va pouvoir se payer son prochain repas ?”, demande une lectrice du blog de Patrick McConlogue.

Coqueluche des médias

Malgré la controverse, le jeune programmeur décide d’honorer sa part du marché. Il offre à Leo Grand des livres de cours, un ordinateur portable bon marché, et son savoir faire. Très vite, la polémique des premiers jours cède la place à une fascination des médias américains pour cette improbable rencontre. Le sans-abri est invité sur le plateau de “Today”, l’une des émissions phares de la chaîne NBC, il a droit à un reportage de CNN et de nombreux articles dans la presse.

La nouvelle coqueluche des médias est même l’objet d’une page Facebook, où des dizaines de milliers d’internautes suivent ses progrès informatiques. Et lorsque Leo Grand se fait arrêter, en octobre 2013, pour avoir enfreint le règlement d’un parc public, la communauté se mobilise avec succès pour le faire sortir de prison. Un internaute lui envoie même un nouvel ordinateur portable pour remplacer celui que la police a confisqué.

De péripétie en sollicitations médiatiques, les deux hommes mènent leur collaboration à terme. Après la fin des cours particuliers en octobre, Patrick McConlogue continue de suivre les efforts de Leo Grand, qui  voulait développer une application ayant un impact sur l’environnement de New York.

Ce sera “Tree for cars”. Cette application, désormais disponible pour 0,99 dollars sur les iPhone et smartphones Android, permet d’organiser des co-voiturages afin de limiter la circulation – et donc l’émission de dioxyde de carbone – dans New York. Elle inclut même un petit indicateur qui mesure combien de CO² n’a pas été relâché dans l’atmosphère de la Grande Pomme grâce à chaque trajet.

Aussitôt sortie, aussitôt soutenue : un site a été monté pour inciter les internautes à acheter l’application de Leo Grand, devenue en quelques mois une sorte d’icône techno-médiatique. C’est, pour le “Washington Post”, l’illustration des limites de cette initiative originale : “ce ne sont pas les nouvelles compétences de Leo Grand qui vont peut-être lui permettre de sortir de la grande précarité, mais bien le buzz et les connections qu’il a pu se faire grâce à cette histoire”.