
Huit ans après l’affaire des caricatures de Mahomet, publiées dans un journal danois, le poète Yahya Hassan suscite la controverse au Danemark suite à la publication d’un recueil de poèmes qui fustige notamment l'hypocrisie religieuse.
Yahya Hassan n’avait que dix ans en 2005, lorsque le dessinateur danois Kurt Westergaard a provoqué la colère de milliers de musulmans avec sa caricature de Mahomet, représenté coiffé d’un turban en forme de bombe, publiée dans un journal danois. Aujourd’hui âgé de 18 ans, Hassan, poète danois, fils d’immigrés palestiniens musulmans, suscite à son tour la controverse avec son recueil de 150 poèmes publié au Danemark le mois dernier.
Ses poèmes abordent son enfance difficile aux côtés d'un père qu’il décrit violent, d'un père abruti par les heures passées devant les chaînes de télévision arabes et incapable de s’intégrer dans la société danoise. Dans ses vers, Hassan met des mots crus sur la violence familiale, la fraude sociale ; il exprime sa haine de l’environnement religieux dans lequel il a été élevé : "Je hais ta misère, je hais tes foulards et ton Coran et tes prophètes illettrés, tes parents endoctrinés et tes enfants endoctrinés. Tes défauts et tes prières."
Sous protection policière
Une prise de position qui lui a valu de nombreuses menaces. Après avoir récité son poème intitulé "Langdigt" (ou "Long poème") sur une chaîne de télévision danoise, fin octobre, le jeune homme a reçu 27 menaces de mort, dont certaines font l'objet d'une enquête. Rien qui ne surprenne cependant Yahya Hassan qui revendique sa liberté de parole.
"J'ai grandi dans un pays où la liberté d'expression existe. Mais j'ai aussi grandi dans un environnement où l'on ne peut pas s'exprimer librement. J'ai toujours dit ce que je pensais et j'en ai subi les conséquences", expliquait Yahya Hassan à FRANCE 24.
Le 18 novembre, ce dernier, qui se dit athée auto-proclamé, a été agressé par un musulman radical dans la gare centrale de Copenhague. L'homme s'est jeté sur lui en criant "Tu es un infidèle, tu mérites de mourir". Depuis, le jeune homme est sous protection policière.
Un succès préjudiciable aux musulmans ?
Les éditeurs de Yahya Hassan ont publié 75 000 exemplaires de son recueil, sorti le 17 octobre. Une diffusion sans précédent pour de la poésie moderne. Selon l’éditeur Simon Pasternak, les livres de poésie dépassent rarement les 500 exemplaires. "C'est tout simplement un jeune artiste qui a écrit un livre fantastique", se réjouit l’éditeur.
Le succès en librairie et la médiatisation que suscite le jeune talent n’est pourtant pas pour plaire à tout le monde. Certains dénoncent une prise de position préjudiciable à la communauté musulmane au Danemark.
"La couverture médiatique et tout ce que fait la police pour protéger cette personne c'est très intéressant. Ça veut dire que si je vais voir les médias et que je dis quelque chose sur l'Islam et la communauté musulmane, alors je deviens un héros ! (…) C'est très nuisible à l'intégration des musulmans au Danemark", regrette Mohammed al-Maimouni, porte-parole du Conseil islamique danois.
La semaine dernière, un élu local a porté plainte contre le poète pour racisme. Une démarche qui fait écho la plainte déposée cette année contre l’artiste Dano-iranienne Firoozeh Bazrafkan, condamnée pour racisme après avoir écrit sur son blog être "persuadée que des hommes musulmans aux quatre coins du monde abusaient et tuaient leurs filles".