La mobilisation se poursuit, lundi à Kiev, contre la décision de l'Ukraine de rejeter un accord avec Bruxelles, sous la pression du Kremlin. Des manifestants ont tenté de forcer le siège du gouvernement et des heurts ont éclaté avec la police.
Ils ne lâchent rien. Des manifestants se sont de nouveau rassemblés à Kiev, lundi 25 novembre, et quelques échauffourées ont éclaté entre manifestants et policiers. Les esprits se sont échauffés après la mobilisation sans précédent du week-end. Dimanche 24 octobre, ils étaient des dizaines de milliers à battre le pavé de la capitale pour dénoncer le revirement de leur gouvernement qui a décidé - sous pression de Moscou - de renoncer à un accord d’association avec Bruxelles.
"Nous sommes venus ici pour montrer que nous nous sentons européens", a déclaré à l'AFP une manifestante, Alexandra Prissiajniouk, étudiante de 19 ans. "Nous espérons que nous allons pouvoir montrer notre force à travers cette action, et que nous représentons quelque chose pour notre pays. Le pouvoir ne peut pas ne pas réagir à une telle manifestation de la société civile", a ajouté l'étudiante.
Des incidents ont éclaté avec les forces de l’ordre quand, en marge de ces rassemblements, des manifestants ont tenté de forcer le siège du gouvernement de Viktor Ianoukovitch, avant d’être repoussés par la police à coups de matraque et de gaz lacrymogènes.
Contre l'avis de la police, quelques Ukrainiens se sont néanmoins imposés, plantant la tente sur la place de l'Europe à Kiev pour la nuit de dimanche à lundi.
Zone de libre-échange inédite
Malgré l'ampleur de la contestation, l’accord tant attendu par les Ukrainiens entre Kiev et Bruxelles - et qui devait être signé le 29 novembre - ne devrait pas avoir lieu. Il prévoyait de mettre en place une zone de libre-échange inédite avec Bruxelles et un régime de visas facilités. Au total, six anciennes républiques soviétiques devaient signer le texte avec les 28 : la Moldavie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie et l'Arménie - un groupe baptisé par les Européens le "partenariat oriental".
Pris en étau entre l'UE et la Russie, le Premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, a finalement choisi de céder aux pressions du Kremlin. "La décision du gouvernement a été prise sur la base de motifs économiques. Elle est de nature tactique, et ne modifie pas nos objectifs stratégiques", a-t-il affirmé. La Russie, premier partenaire commercial de Kiev, voyait en effet d’un très mauvais œil ce rapprochement avec Bruxelles. Moscou a notamment menacé de renoncer aux importations de produits ukrainiens si un accord était signé.
Poutine accuse l'UE de chantage
À Moscou, Vladimir Poutine se défend d'avoir forcé Kiev. "Nous avons entendu des menaces de la part de nos partenaires européens concernant l'Ukraine, des menaces qui appelaient le peuple à organiser des manifestations. Ça c'est de la pression, ça c'est du chantage", a regretté le président russe.
Pourtant la Russie le sait, une rupture du partenariat commercial avec l'Ukraine entraînerait des conséquences désastreuses sur l'économie de l'ancienne république soviétique, déjà en bien mauvaise posture. Son endettement a explosé ces dernières années et dépasse désormais 30 % de son PIB, contre moins de 10 % avant la crise de 2008-2009, et le déficit budgétaire pourrait dépasser 8 % cette année.
C'est la première fois depuis l'éclatement de l'URSS en 1991 que le Kremlin parvient à empêcher une ancienne république soviétique de se rapprocher de l'Europe occidentale pour la maintenir dans le giron moscovite.
Ioulia Timochenko reste en prison
Dans la foulée du refus de signer l'accord de Vilnius, les députés ukrainiens ont également rejeté les projets de loi qui auraient permis à l'opposante et ex-Premier ministre Ioulia Timochenko de sortir de prison. Sa libération était une condition clé posée par l'UE avant la signature de l'accord d'association.
Dans une lettre ouverte diffusée vendredi, la quinquagénaire a mis en garde le président ukrainien Viktor Ianoukovitch contre la poursuite de sa politique. "Si vous pensez pouvoir continuer à bluffer, faire du chantage et jouer entre les deux civilisations pour rester au pouvoir, vous vous trompez", a-t-elle écrit dans une lettre ouverte.
Face à ce tollé, l’Ukraine a proposé de lancer un dialogue à trois avec l’Union européenne et la Russie, sous la forme d’une commission tripartite sur le commerce. Une proposition accueillie avec scepticisme par Bruxelles qui ne ferme pas la porte au dialogue. Viktor Ianoukovitch reste "évidemment" le "bienvenu" au sommet qui se tiendra les 28 et 29 novembre dans la capitale lituanienne, a assuré Maja Kocijancic, porte-parole du service diplomatique de l’UE.
Avec dépêches AFP