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Intervenir en Centrafrique "sera plus compliqué que l’opération Serval"

Alors que les chancelleries occidentales préparent leurs concitoyens à une intervention armée en Centrafrique en évoquant un possible "génocide", FRANCE 24 examine quelles formes pourraient prendre cette future opération militaire.

Un pays "au bord du génocide" pour Paris, une situation "pré-génocidaire" selon Washington. Les capitales occidentales tirent la sonnette d’alarme sur la Centrafrique. Ce qui laisse peu de doute sur le fait qu’une opération armée internationale se prépare, alors que cette nation d’Afrique centrale est secouée par des affrontements communautaires meurtriers depuis la chute du président François Bozizé en mars dernier.

L’intervention qui se profile sera "complètement différente de l’opération Serval" engagée en janvier 2013 au Mali, selon le général Vincent Desportes, professeur associé à Sciences-Po et spécialiste des affaires militaires.

"Il ne peut pas y avoir de plans militaires aussi nets qu’au Mali, où les Français pouvaient aisément identifier les deux colonnes ennemies avant de les détruire. Il ne s’agit pas de reconquête mais de rétablissement et de stabilisation de l’ordre – une opération plus délicate et plus compliquée que Serval", souligne ainsi l’ancien directeur de l’École de guerre française.

Mettre fin au chaos à Bangui

L’intervention en Centrafrique débuterait ainsi par une sécurisation de la capitale Bangui, en proie à une recrudescence de banditisme, avant de s’étendre progressivement aux régions plus reculées du pays, où des affrontements meurtriers opposent groupes d’auto-défense chrétiens à des bandes armées d’anciens rebelles musulmans de la Seleka. Cette confessionalisation du conflit, sur fond de rivalité traditionelle entre nomades et sédentaires, fait craindre des massacres de masse de part et d'autre.

La crainte d'une nouvelle Somalie

La désintégration de l’État centrafricain nourrit les craintes de voir émerger un nouveau refuge pour des groupes terroristes anti-occidentaux.

La présence en Centrafrique de groupes aussi divers que les islamistes nigérians de Boko Haram, de djihadistes chassés du Mali ou encore de milices Janjaweed venues du Darfour donne des sueurs froides aux agences de renseignement.

Un risque islamiste auquel s'ajoutent les menaces de déstabilisation régionale que font peser des bandes armées comme les rebelles ougandais de l’Armée de Libération du Seigneur.

"Une situation comme celle de la Centrafrique où les cibles ne sont pas clairement identifiées, où les gens ne portent pas d’uniforme, et où l’adversaire ne se saisit pas de territoires s’assimile à un vrai guêpier. C’est pourquoi la France y va sur la pointe des pieds", décrypte le général Desportes.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé le mois dernier un renforcement du contingent français de 400 hommes, actuellement basés à l’aéroport de Bangui, la capitale. Des sources diplomatiques citées par l’AFP avaient alors précisé que le nombre de soldats français pourrait passer à 1200 hommes afin d’appuyer un soutien logistique à la force panafricaine Misca.

L'armée française en première ligne

Le chef de la diplomatie française se voulait rassurant sur l’engagement français en évoquant, jeudi 21 novembre, un simple "appui" à la force panafricaine et un déploiement qui "ne sera pas aussi massif ou durable" que celui au Mali. Les experts en affaires militaires soulignent, au contraire, que ces missions de sécurisation sont généralement très gourmandes en troupes au sol.

"Il y a un besoin immédiat en Centrafrique et il est évident que les militaires français vont faire le boulot eux-mêmes avant de passer la main à la Misca et de se constituer en force de réaction rapide", explique le général Desportes.

Washington a déjà annoncé le déblocage de 40 millions de dollars pour financer la Misca, qui devrait avoir un contingent total de 3 600 hommes. Notant les lacunes en termes d’équipement et d’entraînement de ces troupes panafricaines, le secrétaire-général de l’ONU, Ban Ki-moon, a, quant à lui, recommandé dans un rapport l’envoi de 6 000 à 9 000 casques bleus en Centrafrique. Ce document remis lundi dernier aux membres du Conseil de sécurité servira de base aux discussions qui s’engageront le 25 novembre à l’ONU, ultimes pourparlers diplomatiques avant l’entrée en scène des militaires.