Les islamistes du parti Ennahda au pouvoir et l'opposition ne sont pas parvenus à un consensus sur le nom du futur Premier ministre. Le dialogue national, qui visait à sortir la Tunisie d'une grave crise politique, est suspendu.
Le dialogue national est suspendu en Tunisie. En cause : le nom du futur Premier ministre. Les pourparlers entre les islamistes tunisiens du parti Ennahda au pouvoir et leurs opposants ont ainsi échoué lundi 4 novembre au soir et ont été suspendus sine die.
"Nous avons décidé de suspendre le dialogue national jusqu'à ce qu'il y ait un terrain favorable à sa réussite", a déclaré le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abassi.
"Nous ne sommes pas arrivés à un consensus sur la personnalité qui dirigera le gouvernement, nous avons essayé de résoudre les difficultés, mais il n'y a pas eu de consensus", a-t-il ajouté.
Chaque camp défend son candidat
Les deux camps ont bataillé pour s'imposer : les islamistes d'Ennahda et leur allié laïc Ettakatol insistant sur Ahmed Mestiri, 88 ans, et l'essentiel de l'opposition pour Mohamed Ennaceur, 79 ans. Les deux prétendants au poste sont des vétérans, déjà ministres à l'époque du père de l'indépendance, Habib Bourguiba.
"Nous ne voyons pas d'alternative à Ahmed Mestiri", a souligné Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda, après l'échec des négociations.
L'opposition, qui refuse Ahmed Mestiri jugé trop vieux et trop faible, a dit avoir proposé d'autres solutions, notamment la candidature d'un ex-ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, refusée par le président Moncef Marzouki, un allié.
"La troïka [coalition au pouvoir, NDLR], notamment Ennahda, a fait échouer le dialogue. Ils cherchent par tous les moyens à rester au pouvoir", a martelé Hamma Hammami, un des représentants de la coalition d'opposition Front de salut national.
Selon lui, les détracteurs d'Ennahda mèneront désormais "des discussions pour prendre les mesures qui s'imposent".
Aggravation de la crise politique
Ces pourparlers visaient à sortir la Tunisie de la profonde impasse dans laquelle elle est plongée, depuis l'assassinat le 25 juillet d'un député d'opposition attribué à la mouvance jihadiste.
Le Premier ministre, Ali Larayedh, avait promis fin octobre de laisser sa place à condition que l'ensemble du calendrier de ce "dialogue national" soit respecté.
Outre la désignation d'un nouveau chef de gouvernement et de son cabinet, ces négociations devaient aboutir à l'adoption d'une législation et d'un calendrier électoral, ainsi qu'au lancement de la procédure d'adoption de la Constitution, en cours d'élaboration depuis deux ans.
Mais ces différents dossiers ont d'ores et déjà pris du retard : les membres de la future commission électorale n'ont pas été élus samedi comme prévu en raison d'un problème de procédure, et le travail sur la législation régissant les élections, censée être adoptée le 9 novembre, n'a pas commencé.
Lundi après-midi, des élus d'opposition ont en outre accusé Ennahda de multiplier les amendements au règlement intérieur de l'Assemblée nationale constituante pour retirer aux opposants leurs armes parlementaires.
Après trois mois de disputes et moult reports, les pourparlers ont débuté le 25 octobre, mais depuis, aucune décision consensuelle concrète n'a été mise en oeuvre. Mais ce coup d'arrêt menace d'aggraver une crise politique déjà profonde, et nourrie par les violences jihadistes.
Arrivés au pouvoir en octobre 2011, les islamistes ont été considérablement affaiblis par la multiplication des crises politiques, les assassinats de deux opposants, les heurts avec les jihadistes, les faiblesses de l'économie et les polémiques sur leurs tentatives supposées "d'islamiser" la société ou de juguler la liberté d'expression.
Avec dépêches