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Bill Gates, Carlos Slim ou encore Warren Buffet ont investi des centaines de millions d’euros en Espagne. Madrid y voit un signe de la reprise, mais d’autres soulignent que l’Espagne est une "bombe à retardement" économique.

En Espagne, tout va très bien, monsieur le multimilliardaire ? À en croire Bill Gates, la deuxième fortune mondiale selon Forbes, la machine économique ibère repartirait de plus belle. C’est pourquoi, l’ex-patron de Microsoft et philanthrope a investi 113,5 millions d’euros dans le pays. Un geste, qui a rapidement été salué par Madrid comme le signe que l’Espagne ne ferait plus partie des enfants malades de l’Europe. Un optimisme entretenu, mercredi 23 octobre, par la Banque centrale espagnole, qui a annoncé mercredi 23 octobre, que le pays était officiellement sorti de deux ans de récession.

L’investissement de Bill Gates est d’autant plus révélateur, qu’il a choisi de miser sur la construction immobilière, un secteur considéré comme à l’origine de tous les maux, "ou presque" de l’économie ibère. Le multimilliardaire américain a, en effet, décidé d’acquérir 6 % de la FCC, un géant du BTP fragilisé par l’explosion de la bulle immobilière en Espagne.

Le fondateur de Windows n’est, en outre, pas la seule grande fortune personnelle à miser sur le rebond de la quatrième économie européenne. Le mexicain Carlos Slim, considéré comme l’homme le plus riche au monde, a lui aussi soutenu, en août 2013, le rachat par le géant espagnol des télécoms, Telefonica, de l’opérateur téléphonique allemand E-Plus. Enfin, le célèbre investisseur américain, Warren Buffet, a mis la main, fin 2012, sur le groupe d’assurance-vie VidaCaixa pour 600 millions d’euros.

Vers une crise bancaire ?

Une sorte de ruée vers l’or espagnol, qui a poussé le patron de la banque Santander, Emilio Botín, à assurer, le 18 octobre, que son pays traversait “une période économique formidable”. Sans verser dans une telle euphorie, Xavier Timbeau, directeur du département, analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques [OFCE] reconnaît que “pour un investisseur, l’Espagne est actuellement le bon cheval européen, sur lequel miser”. Des opportunités qui s’expliqueraient, d’après cet économiste, par “des secteurs qui se sont assainis depuis le début de la crise, et des entreprises survivantes qui vont bénéficier de la reprise de l’activité”.

Mais de là à faire de ces investissements un signe de la reprise économique espagnole, il y a un fossé que Xavier Timbeau ne franchit pas. Au contraire, pour lui, le pays est devenu “une bombe à retardement”, qui contient tous les éléments d’une future crise de la zone euro.

Le nœud du problème provient de la dette des ménages, qui pèse de plus en plus lourd sur l'économie espagnole. “Une grande part des Espagnols endettés ont souscrit à des crédits à taux variables. Pour l’instant, c’est une bonne affaire, car les taux d’intérêt sont bas, mais ces derniers devraient remonter maintenant que la crise s’estompe”, explique Xavier Timbeau. Conséquence : avec un chômage de masse, des salaires en baisse et des dettes qui deviendront plus lourdes, les créances toxiques risquent de s’accumuler dans le portefeuille des banques. Elles ont déjà augmenter de 13 % depuis le début de l’année 2013. “Il y a un risque d’explosion du secteur bancaire espagnol, qui pourrait alors heurter toute la zone euro”, résume Xavier Timbeau.

Ce n’est donc pas sur l’économie espagnole, que les Bill Gates, Warren Buffet et autres misent, mais sur les quelques entreprises les plus à même de profiter de la sortie de crise se profilant à l’horizon. Si le scénario d’une crise bancaire venait à se réaliser, il serait bien temps pour ces investisseurs avisés de retirer leur argent d’Espagne. Non sans avoir réalisé quelques profits au passage.