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Un homme a été condamné à trois ans de prison ferme, mercredi, par les assises du Val-de-Marne pour avoir battu et violé sa femme en 2010. Un jugement, qui met en lumière les cas de viols conjugaux, rarement portés devant la justice en France.

Le cas est assez rare pour faire du bruit en France. Mercredi 16 octobre, un homme a été condamné par les assises du Val-de-Marne, en Île-de-France, à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir violé sa femme, après l’avoir battue. Alors que la plupart des affaires de viols conjugaux finissent par un renvoi en correctionnelle, cette condamnation constitue une victoire, non seulement pour la principale concernée, Samia Jaber, mais aussi pour toutes les associations de défense de victimes.

Car Samia Jaber, comme beaucoup de femmes ayant subi des violences conjugales, a connu la peur de ne pas être crue. Pendant une "nuit d’enfer", entre le 6 et le 7 décembre 2010, elle est battue par son mari, dont elle s’est depuis séparée, sous les yeux de sa fille de 4 ans et de sa nièce, puis violée à deux reprises. Le lendemain, sur le quai du RER qui devait la conduire au travail, elle est interpellée par des policiers alertés par les bleus sur son visage. C’est sur les conseils de ces derniers qu’elle dépose plainte pour viol.

Violences "quasi systématiques"

Alors que les viols conjugaux apparaissent comme un sujet tabou dans la société, Danièle Lanssade, membre du bureau national du planning familial, explique qu’ils font partie du schéma classique des violences familiales.

"Les violences sexuelles sont l’une des étapes quasi-systématiques des violences conjugales, au même titre que les agressions verbales et physiques", explique-t-elle à FRANCE 24. Des violences plus intimes que les autres, qui mettent généralement plus de temps à être avouées, selon la spécialiste : "les victimes n’abordent pas ce sujet dès le premier rendez-vous, il faut attendre un peu… Et puis, quand elles le font, elles n’emploient pas le thème de "viol", elles disent plutôt qu’elles ont des relations sous la contrainte, ou qu’elles n’éprouvent aucun plaisir physique".

Pour Danièle Lanssade, nul doute que cette affaire devrait pousser d’autres femmes à sortir de leur silence. "C’est très rare que les femmes déposent ce genre de plainte, donc cette condamnation est une victoire. Cela va permettre à d’autres victimes de se dire "moi aussi, je peux être entendue"".

"Une page qui se tourne"

Un avis partagé par l'avocate de l'association "Ni putes ni soumises", constituée partie civile lors du procès, selon qui cette affaire permet de "restituer au viol conjugal sa place de crime".

La peine est néanmoins inférieure aux réquisitions de l’avocat général qui avait réclamé entre huit et dix ans d’emprisonnement. Si l’accusé a reconnu les violences physiques – "J’étais énervé, je ne comptais pas les claques que je lui ai mises", a-t-il expliqué, lors des audiences -, il n’a cependant jamais admis avoir violé son ex-épouse.

"C’est un aboutissement, une page qui se tourne", a pour sa part déclaré Samia Jaber, soulagée, à la fin du procès. Un aboutissement pour elle, mais un point de départ pour d’autres : en France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon.