
L’accord obtenu pour relever le plafond de la dette permet d’ouvrir une nouvelle phase de négociations, mais il ne sort pas les États-Unis d’une crise budgétaire, qui dure depuis deux ans avec d’importantes conséquences économiques.
Les États-Unis ont donc, comme en 2011, rejoué la scène de l’accord de la dernière heure. Le président Barack Obama a obtenu du Congrès, qu’il accepte de relever le plafond de la dette, au dernier jour possible des négociations. Politiquement, c’est une victoire pour l’actuel locataire de la Maison Blanche, et une claque pour les républicains. Ces derniers sont apparus intransigeants et divisés. Mais économiquement, le compromis voté ne résout pas, sur le fond, le problème budgétaire du pays.
Le texte, une proposition de loi élaborée par des représentants des deux partis au Sénat, autorise Washington à emprunter de l’argent pour honorer ses dettes uniquement jusqu’au 7 février 2014. Pire : les fonds supplémentaires, dont dispose l’État en vertu de cet accord, ne lui permettent de se financer que jusqu’au 15 janvier. Le “shutdown”, qui a partiellement paralysé le pays, pourrait donc de nouveau enrayer la machine américaine dans trois mois.
Le compromis ne serait-il alors qu’une manière de reculer pour mieux sauter ? “Ce délai est tout de même plus raisonnable que les six semaines, qui avaient été prévues dans une proposition soumise par le Congrès il y a une semaine”, rappelle Christine Rifflart, spécialiste de l’économie américaine à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour elle, le temps imparti à la nouvelle commission bipartisane du Congrès - instituée par l’accord du 16 octobre - devrait, en théorie, suffire à trouver un terrain d’entente sur le niveau des dépenses futures des États-Unis.
Quand le Tea Party entrave la croissance américaine
D’autant que le couperet du 7 février prochain est moins fatidique que celui, qui pesait, depuis deux semaines, sur l’économie américaine. Si, à cette date, un nouveau blocage empêche de relever le plafond de la dette, le Trésor pourra avoir recours à des mesures exceptionnelles, comme puiser dans le bas de laine des fonds de pension. Une manière de repousser encore l’échéance de quelques mois. “C’est déjà grâce à cette possibilité que l’État américain continuait à fonctionner depuis mi-mai 2013”, rappelle Christine Rifflart.
Mais ce sursis ne change rien au fait que “les États-Unis sont gouvernés en état de crise budgétaire permanente depuis août 2011”, souligne Christine Rifflart. C’est à cette époque que le Congrès a accepté, pour la première fois, de relever temporairement le plafond de la dette. Mais depuis lors, démocrates et républicains n’ont jamais réussi à trouver un terrain d’entente sur le niveau, à long terme, des dépenses américaines.
Pour l’économiste de l’OFCE, cet état de fait revient à dire qu’en pratique, Barack Obama n’est plus aux commandes de la politique budgétaire américaine. “Depuis 2011, elle est, au moins, sous influence du jusqu’au-boutisme du Tea Party, sinon directement inspirée par cette frange minoritaire du parti républicain”, affirme Christine Rifflart. Une influence qui a eu des conséquences directes sur l’économie américaine : c’est leur opposition à tout accord budgétaire avec l’administration Obama qui a entraîné, en mars 2013, “d’importantes coupes automatiques et arbitraires dans les dépenses de l’État [qualifiées par les démocrates de “séquestre”, NDLR] ”, rappelle Christine Rifflart. Un régime minceur budgétaire qui, depuis lors, a “ralenti le rythme de la croissance américaine”, affirme cette experte.
Reste à savoir si l’influence du Tea Party sur la ligne des républicains restera aussi importante après l’échec politique, qui vient de leur être infligé. Un échec imputé par les conservateurs modérés à la frange la plus radicale, et qui pourrait donner lieu à un "reglèment de compte à OK corral" en terre républicaine.