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Moscou accentue la pression sur les militants Greenpeace de l'Arctique

Déjà accusés de piraterie, les activistes de l'ONG Greenpeace qui avaient mené une opération contre une plateforme pétrolière russe en septembre vont être inculpés pour "d’autres crimes graves."

Moscou enfonce le clou. Malgré une vague de protestation internationale, le comité d'enquête russe a annoncé, mercredi 9 octobre, préparer de nouvelles inculpations pour des "crimes graves" commis par des activistes Greenpeace qui avaient mené, à la mi-septembre, une opération sur une plateforme pétrolière russe en mer de Barents, dans l'Arctique. Deux journalistes, qui se trouvaient également à bord de l’"Arctic Sunrise", le navire de l’ONG écologiste, ont été arrêtés eux aussi.

Selon le comité d'enquête russe, “des produits stupéfiants (apparemment du pavot et de la morphine) ont été saisis à bord [de l’'Arctic Sunrise']", ainsi que des documents et divers équipements “relevant de technologies duales”, un terme qui désigne habituellement des technologies à la fois civiles et militaires.

Greenpeace crie à la diffamation

L'Arctique réserve naturelle en or noir

L'Arctique est un gigantesque puits d'énergies fossiles. La région contient 13 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % des réserves globales de gaz non encore découvertes.

Des chiffres qui se basent sur des estimations de l'industrie des hydrocarbures.

Des allégations inadmissibles pour Greenpeace qui a réagi dans la foulée par le biais d’un communiqué : "Nous ne pouvons que supposer que les autorités russes font allusion au nécessaire médical que notre navire est tenu d'embarquer conformément à la législation maritime, a déclaré l'ONG. Toute affirmation sur la découverte de drogues illégales est diffamatoire."

Au total, le groupe interpellé compte 30 militants dont quatre Russes et 26 ressortissants de 17 autres pays. Placés en détention pour deux mois dans le nord-ouest de la Russie, ils ont été inculpés de "piraterie en groupe organisé", leur faisant encourir jusqu'à 15 ans de prison. Selon Greenpeace France, le seul Français présent sur le navire, Francesco Pisanu, 38 ans, vit "des heures difficiles". Il est détenu à Apatity, à quelque 190 km de Mourmansk (nord-ouest), avec sept autres militants, selon l'ONG.

Le but de leur opération était de protester contre les forages dans une région du globe où l’écosystème est particulièrement fragile, d’après Greenpeace. Propriété du géant russe Gazprom, la plateforme "Prirazlomnaïa" visée par les militants est le premier site russe d'exploitation de pétrole dans l'Arctique. Il doit entrer en service à la fin de l'année 2013 et devrait pouvoir produire six millions de tonnes de pétrole par an, soit 120 000 barils par jour d'ici à 2019.

Accusations de piraterie non fondées

Depuis plusieurs jours, les manifestations de soutien aux “Arctic30” se multiplient à travers le monde. Plusieurs milliers de personnes dans quelque 47 pays, dont la France où 15 villes se sont mobilisées, ont manifesté samedi pour réclamer leur libération. Ils estiment que les accusations de piraterie ne sont pas fondées.

Manifestation au siège parisien de gazprom

Une dizaine de militants de Greenpeace ont manifesté mercredi 9 octobre devant le siège français de Gazprom. Deux banderoles ont été déployées devant le bâtiment du 68, avenue des Champs Élysées à Paris, à partir de 8h30, demandant en anglais la libération des "défenseurs du climat" incarcérés en Russie.

Les forces de l'ordre, arrivées sur place vers 9 heures, ont finalement interpellé les militants, dont deux étaient suspendus à plusieurs mètres de haut par des cordages, peu avant 14 heures, a indiqué Greenpeace. Tous sont repartis libres après un contrôle d'identité, selon l'ONG.

Et elles le semblent d’autant moins que le 25 septembre des déclarations de Vladimir Poutine avaient suscité de l’espoir chez les militants de Greenpeace. “Il est parfaitement évident que ce ne sont pas des pirates”, avait affirmé le président russe, évoquant tout de même les violations des lois internationales dont les activistes se sont rendus coupables.

Mais depuis le ton de Moscou s’est inexplicablement durci, forçant les militants de l’ONG à demander une intervention de leurs gouvernements respectifs. Jusqu’à présent, seuls les Pays Bas - dont deux ressortissants sont incarcérés - ont pris position. Probablement poussés par le fait que l’"Arctic Sunrise" batte pavillon néerlandais, les autorités ont annoncé, la semaine dernière, engager une procédure juridique contre la Russie au titre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Greenpeace en appelle à François Hollande

Du côté de l’Hexagone, le directeur exécutif de Greenpeace France, Jean-François Julliard, a adressé un courrier, le 4 octobre, au président François Hollande "afin de lui demander solennellement d'intervenir en faveur de la libération des militants", écrit l'ONG dans un communiqué.

Greenpeace souhaite que le chef de l’État prenne contact avec l'ambassadeur de Russie en France et lui demande d’affirmer “publiquement que les activités de protestation non violentes ne sauraient être considérées comme des actes de piraterie". Selon le dirigeant de l’ONG, "il s'agit de la plus grave atteinte contre nos activités pacifiques depuis que les services secrets français ont coulé le 'Rainbow Warrior' en Nouvelle-Zélande, en 1985."