
Dans le cadre de notre série de grands reportages "Billet retour", nos journalistes se sont rendus à Kaboul, en Afghanistan. Ils ont rencontré une femme exceptionnelle : la parlementaire et féministe Shinkai Karokhail.
Pour raconter Kaboul, nous avons choisi de suivre l’une des rares femmes à avoir réussi à se faire une place dans un pays dirigé par les hommes : la députée Shinkai Karokhail, figure du féminisme en Afghanistan. Une femme au courage impressionnant.
Pour être élue, elle a dû se battre contre les préjugés de la société afghane pour qui les femmes ne doivent pas avoir de rôle public. Elle a aussi lutté contre l’opposition de ses proches et des membres de son ethnie. Shinkai est pashtoune, l’ethnie majoritaire en Afghanistan, dont est issu le président Hamid Karzaï, mais aussi le mouvement des Taliban.
Nous avons suivi Shinkai Karokhail pendant plusieurs jours, du Comité des finances, où elle participe à l’enquête sur le plus gros scandale de corruption de l’histoire du pays qui implique le frère du président KarzaÏ, à une shura, une réunion d’anciens, où elle est la seule femme au milieu d’une trentaine de barbes blanches…
Où qu’elle aille, la parlementaire ne mâche pas ses mots. Et c’est cela qui est le plus stupéfiant. Chaque jour, l’élue risque sa vie pour aider ses concitoyens et promouvoir les droits des femmes. Pour sa sécurité, la députée ne se déplace jamais sans garde du corps.
En Afghanistan, les seigneurs de guerre possèdent encore des milices armées à leur service. Et les Taliban menacent toutes les femmes qui osent braver leurs interdits. Par peur de représailles, peu d’Afghans osent dire tout haut ce que dénonce Shinkai devant notre caméra.
À travers son témoignage, nous avons aussi voulu montrer la triste histoire de Kaboul : celle d’un immense espoir déçu. Shinkai est rentrée à Kaboul en 2002, comme des milliers d’Afghans de sa génération, avec la volonté de participer à la reconstruction de son pays. Comme elle, une partie de la classe éduquée croyait en la démocratie et en l’émancipation des femmes prônée par la communauté internationale après la chute des Taliban.
Aujourd’hui, douze ans plus tard, cette même élite fait la queue devant les ambassades étrangères pour fuir au plus vite l’Afghanistan… Même les enfants de Shinkai voient leur avenir à l’étranger.