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Violences pré-électorales, rumeurs de coup d’État, discrédit sur la Commission électorale... C’est dans un climat tendu que les 5 millions de Guinéens étaient appelés aux urnes samedi, pour élire leurs 114 députés. Une première depuis 11 ans.

Repoussées depuis trois ans, les législatives guinéennes se tenaient ce samedi 28 septembre dans un contexte de tensions politiques, sur fond de rivalités ethniques et de rumeurs de coup d'État. De 7 heures à 18 heures (heure locale), quelque 5 millions de Guinéens ont voté afin de désigner les 114 députés qui composeront l’Assemblée nationale. Les résultats du scrutin doivent être publiés dans les 72 heures par la commission électorale. Cette élection était d’autant plus attendu par les Guinéens que cela faisait 11 ans qu’ils n’avaient pas été invités à élire leurs représentants (voir encadré ci-dessous).

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"La seule chose qu'attendent les Guinéens est de pouvoir aller aux urnes samedi"
Guinée : des législatives sur fond de rumeur de coup d'État

Près de trois ans après la victoire d’Alpha Condé (Rassemblement du peuple de Guinée, RPG) sur Cellou Dalein Diallo (Union des forces démocratiques de Guinée, UFG) au second tour de la présidentielle, les législatives de samedi permettront également aux principales forces politiques de compter leurs électeurs. Pour la coalition RPG-Arc-en-ciel, l’enjeu est d’offrir une confortable majorité au chef de l’État et lui permettre de mener à bien ses réformes. En face, l’opposition entend imposer ses couleurs dans l’hémicycle afin de peser un peu plus sur l’échiquier politique guinéen.

Une Commission électorale contestée

Des élections qui se sont fait attendre

Reléguée au rang de simple chambre d’enregistrements des décisions présidentielles sous l’ère de Lansana Conté (1984-2008), dissoute en 2008 par la junte du fantasque Moussa Dadis Camara, l’Assemblée nationale aurait dû être recomposée au lendemain de l’élection d’Alpha Condé à la tête de l’État en novembre 2010.

Mais les nombreux contentieux portant sur la transparence du fichier électoral n’avaient pas permis l’organisation du scrutin. Il aura fallu plus de deux ans d’âpres négociations avant qu’opposition et pouvoir ne s’entendent finalement, sous l’égide de la communauté internationale, sur la date du 24 septembre, avant de la reporter une dernière fois au 28 septembre.

Au total 1 714 candidats, parmi une trentaine de listes, sont en compétition pour 114 sièges à pourvoir.
 

Si la bataille s’annonce rude dans les urnes, elle pourrait l’être tout autant sur le terrain juridique. Bien que le 5 juillet dernier les différents partis politiques se soient accordés, sous l’égide de la communauté internationale, sur le 24 septembre puis, au dernier moment, sur le 28 septembre pour la date des législatives, l’opposition continue de soupçonner la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de travailler pour l’exécutif. En cause, principalement : une répartition des bureaux de vote peu favorable à l’opposition et l’inscription jugée suspecte de nombreux jeunes sur les listes électorales dans des fiefs du président Alpha Condé.

"Nous avons essayé de corriger toutes les anomalies soulevées par l'opposition, s’est défendu, jeudi, un membre de la Céni. Nous avons fait ce que la capacité humaine pouvait faire. Nous sommes en train de remplir les conditions pour un scrutin fiable." Selon cette source, environ 70 % des cartes d’électeurs ont été distribués à leur titulaire avant l’ouverture des bureaux de vote.

Pour nombre d’observateurs, cette défiance envers la Céni laisse toutefois augurer des contestations à l’issue du scrutin. Ou, pire, des mouvements de colère dans la rue. Dans une Guinée où l’ethnicisation de la société, partagée notamment entre les Peuls, partisans de Celou Dalein Diallo, et les Malinké, pro-Condé, marque de plus en plus le débat politique, les tensions entre partis alimentent les craintes de violences.

Bien que la campagne se soit achevée dans le calme jeudi, des incidents ont éclaté lundi en périphérie de Conakry entre des partisans du RPG et des jeunes militants de l’UFDG, qui accusaient les premiers d'avoir attaqué la veille, dimanche, un cortège de l'épouse de leur chef de file, Cellou Dalein Diallo, et brûlé l’un de ses véhicules.

"La Guinée est en danger"

Des échauffourées qui confortent le gouvernement dans l’idée que certains responsables politiques guinéens tenteraient de déstabiliser le pays en vue de fomenter un coup d’État. "La Guinée est en danger et la ficelle est tirée à partir de l'extérieur, a indiqué mercredi à l’AFP le ministre de la sécurité, Madifing Diané, avant de préciser que "des hommes politiques de l'UFDG qui sont à l'étranger, orientent et manipulent" des membres de l'opposition.

Le ministre faisait ainsi écho aux notes des services du renseignement français et américain, reprises par "Le Canard enchaîné", faisant état d’opérations de déstabilisation actuellement en préparation contre le régime d’Alpha Condé. Selon l’hebdomadaire français, la CIA s'inquiète de possibles "violentes manifestations à Conakry et dans d'autres villes" qui pourraient "servir de couverture à des opérations ciblées, menées par des mercenaires".

Interrogé par RFI, Cellou Dalein Diallo a rejeté les propos des autorités guinéennes selon lesquels les manifestations organisées ces dernières semaines par l’opposition n’étaient "ni spontanées ni politiques" mais participaient à un "projet de déstabilisation". "Nous sommes dans un pays où il y a une tradition bien ancrée : le complot a toujours été un instrument d’intimidation et d’élimination des adversaires", a commenté le président de l’UFDG.