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Un islamiste français interpellé pour "apologie de terrorisme"

Animateur d'un site djihadiste français, un jeune Normand a été interpellé pour "apologie d'actes de terrorisme". Il s’agit de la première application de la loi de décembre 2012, adoptée après l'affaire Merah.

On l’appelle "l’émir". Romain L. alias "Abou Siyad Al-Normandy", un jeune musulman converti de 26 ans, a été arrêté mardi au petit matin par la DCRI dans le Calvados et mis en examen jeudi 19 septembre pour "apologie d'actes de terrorisme et provocation à la commission d'actes de terrorisme" sur Internet, a annoncé le parquet de Paris. Animateur d'un site djihadiste français et traducteur d'une revue en ligne de propagande d'Al-Qaïda, il a été écroué.

Marié à une Franco-Marocaine, il a reconnu être l’administrateur du site djihadiste Ansar Al-Haqq, site de référence de la mouvance islamiste radicale et diffuser la revue Inspire, lancée en 2010 par Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa)", selon un communiqué du parquet.

Abou Siyad Al-Normandy servait notamment de traducteur en langue française des messages d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et a diffusé les dixième et onzième opus de cette revue de propagande.

Cette interpellation est une première depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2012. Adoptée après l'affaire Merah, le texte permet de placer en détention une personne mise en examen pour apologie d'actes de terrorisme ou provocation au terrorisme. Ces faits sont punis de 5 ans de prison et 45 000 euros d'amende.

Lutter contre le "djihad médiatique"

Le parquet a exprimé "la nécessité impérieuse de lutter contre le "djihad médiatique" qui vise à convaincre et à faire adhérer les individus à la "guerre sainte".

Ansar Al-Haqq est l'un des principaux sites islamistes en français. Créé le 20 janvier 2007, il compte plus de 4 000 membres dont 685 actifs. C’est donc à ce titre qu’il est étroitement surveillé par les experts de la DCRI, qui surveillent de près ses contributeurs. Sur sa page d'accueil, le site se présente comme "le fruit d'une volonté commune de proposer aux internautes, musulmans et non-musulmans, des traductions d'articles et de livres divers sur la religion islamique authentique".

Une enquête préliminaire avait été ouverte le 6 juin 2013.

Notre rôle s’arrête à la traduction et à la publication

Né à Caen dans le Calvados, Romain L. s’est converti à l’islam à l’âge de 20 ans. Inconnu des services de police selon le journal "Le Monde", il vit du RSA à Hérouville-Saint-Clair avec son épouse.

Selon le quotidien du soir, c’est en février 2012 qu’il s’inscrit sur le site Ansar-alhaqq.net. En quelques mois, il multiplie les messages : 1 560 environ soit près de trois par jour. Outre les conversations dogmatiques, Abou Siyad Al-Normandy poste des vidéos djihadistes notamment tournées en Syrie mais aussi des liens vers des livres prônant un islam radical.

"Il ne fait que des articles à partir de dépêches sur des conflits qui touchent l’islam. Moi, je me charge de la traduction. Ce sont des sites tout à fait accessibles et publics. Je ne pensais pas que c’était interdit. Maintenant, je le sais", a affirmé au journal "Ouest France" son épouse, elle aussi, mise en examen et placée sous contrôle judiciaire.

Pour la jeune femme qui porte le niqab, le couple ne peut être qualifié d’islamiste. "Il n’y a qu’un islam, l’islam modéré ne veut rien dire, ce sont des hérétiques", accuse-t-elle.  "Cette affaire est une atteinte à la liberté d’expression".

"Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant à rapporter combien il y a eu de morts dans telle ou telle ville de Syrie, en Afghanistan ou après les raids en Irak. Oui c’est choquant mais je ne crois pas que nous soyons choqués pour les mêmes raisons", insiste-t-elle dans une interview accordée à la radio France Bleu.

"C'est démesuré. On ne sait pas pourquoi ça tombe sur nous. On n'a pas préparé d'acte de terrorisme, on fait juste de l'information. L’information sur les autres chaînes est minutieusement sélectionnée. On ne dit pas tout. La plupart du temps on dit le contraire des choses".

Le couple avait-il conscience de la gravité de leurs actions ? À cette question, l’épouse de Romain L. répond par la négative : "On ne pensait pas que les faits étaient aussi graves. Notre rôle s’arrête à la traduction et à la publication. Il n’y a rien de personnel. On ne produisait pas les idées".