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Propagande électorale sur Internet : l’idée de Valls écartée par Ayrault

Le Premier ministre a finalement tranché : les professions de foi des candidats aux européennes ne seront pas envoyées par Internet, comme l’avait proposé Manuel Valls en vue de faire des économies. Un projet qui a suscité des remous.

Encore une fois, le Premier ministre a sifflé la fin de la récré au sein du gouvernement. Cette fois, la polémique, qui opposait le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, au ministre délégué aux Affaires européennes, Thierry Repentin, concernait la "dématérialisation de la propagande électorale". Le locataire de la place Beauvau – le ministère chargé du bon déroulement des élections - a perdu la bataille. Son texte, qui devait être présenté en Conseil des ministres mercredi 25 septembre, visait à envoyer les professions de foi contenant les programmes des candidats aux élections européennes du mois de mai prochain par Internet plutôt que par courrier.

Ce projet, intitulé "dématérialisation de la propagande électorale dans le cadre des élections européennes", aurait dû figurer dans le projet de loi de finances 2014. La mesure se voulait économique – l’envoi par courrier coûterait plus de 27 millions d’euros à l’État – et écologique. Manuel Valls comptait parmi ses soutiens Bernard Cazeneuve, ministre du Budget et ex-ministre des Affaires européennes. Cela n’a pas suffi à arrêter la levée de boucliers contre ce texte, à la fois au sein du gouvernement et dans d’autres partis politiques.

"Pourquoi ne le fait-on pas aussi  pour les municipales ? "

Jean-Marc Ayrault a, en effet, arbitré en défaveur du projet, a-t-on appris vendredi 20 septembre. "Le Monde" révélait jeudi que Thierry Repentin avait fait part au Premier ministre de son opposition. "Si l'argument est budgétaire, alors pourquoi ne fait-on pas ça aussi pour les municipales ? Cela nous ferait faire encore plus d'économies..." ironisait ainsi une source au Quai d’Orsay contactée par le quotidien.

Selon ses détracteurs, une telle mesure encouragerait l’abstention, et par ricochet le vote pour les partis extrêmes, en privant une certaine partie de la population, qui n’a pas accès à Internet, des programmes des candidats. Qui plus est, pour une élection où l’abstention est reine (59,5 % aux européennes de 2009). En 2012, 25 % des Français de plus de quinze ans déclaraient ne pas avoir accès à Internet à leur domicile, selon l’Insee.

Autre critique des opposants au projet : en supprimant les professions de foi sur papier pour cette seule élection, la France aurait laissé paraître un certain désintérêt pour les institutions de l’Union européenne. "C’était une proposition stupide pour une économie assez maigre", juge ainsi Jean-Pierre Audy, vice-président de l’UMP et président de la délégation française du Groupe PPE (Parti populaire européen) au Parlement européen. "Nous souhaitons vraiment un débat européen", ajoute-t-il à FRANCE 24, dénonçant "une atteinte à la démocratie et à la formation de l’opinion du citoyen".

Une mesure difficilement compatible avec la Constitution

Même avec un arbitrage positif de Jean-Marc Ayrault, il est difficile d’imaginer qu’une telle mesure aurait pu être compatible avec la Constitution. "Il aurait fallu qu’elle s’applique à toutes les élections et non pas une seule", confirme Philippe Blachèr, directeur du Centre de droit constitutionnel à l’Université Lyon 3, contacté par FRANCE 24. "Il aurait également fallu que cette mesure soit accompagnée d’un dispositif alternatif permettant à tous les citoyens d’avoir accès aux programmes électoraux", assène-t-il.

Selon un sondage OpinionWay réalisé en 2012 avant l’élection présidentielle, 24 % des Français s’informent sur les candidats via ces documents de propagande électorale, contre 27 % par radio et 38 % par la télévision.