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Le conservateur Tony Abbott a été intronisé mercredi à la tête du gouvernement australien. Ce monarchiste militant, fervent catholique, est réputé pour ses prises de position tranchées et est un habitué de la polémique.

On le dit agressif, misogyne, insensible. Il est en tout cas de notoriété publique que Tony Abbott ne mâche pas ses mots, quitte à susciter la polémique. Si sa victoire aux élections législatives de septembre était acquise après les luttes intestines du clan travailliste, le 29e Premier ministre australien est un habitué de la controverse. Depuis qu’il a pris la tête des libéraux en 2009, l’homme, devenu providentiel par la force des choses, s’est illustré par son franc parler, franchissant à plusieurs reprises les limites de la bienséance.

Son parcours, atypique, révèle en partie les fondements d’une personnalité qui détonne dans le paysage politique australien. Né à Londres le 4 novembre 1957, Anthony John Abbott ne se destine pas d’emblée à la politique. L’homme, habité par la foi catholique, entre au séminaire avec l’ambition de devenir prêtre. Il a alors 26 ans. Mais, à l’aube de sa trentième année, il renonce, malgré un attachement inébranlable à l’Église dont il tirera l’un de ses surnoms : le "moine fou".

Quinze ans plus tard - et une carrière de journaliste avortée -, Tony Abbott prend le chemin de la politique. Appuyé par son mentor John Howard, figure du Parti libéral dont l’influence est grandissante au milieu des années 1990, il est élu député au Parlement en 1994.

Dans le sillage d’Howard, nommé Premier ministre en 1996 et qui se verra confier les rênes de l’Australie pour 11 ans, il hérite du portefeuille de la Santé et de la Vieillesse en 2003. Il le conservera jusqu’à la fin du mandat conservateur, en 2007.

La naissance d’un leader controversé

Ce n’est qu’après l’arrivée au pouvoir des travaillistes, en 2007, que ce monarchiste militant endosse pour la première fois le costume de leader. Jugé jusqu’alors par son propre camp comme un second couteau, il devient progressivement l’homme du renouveau conservateur. La déconfiture du Parti travailliste, gangrené par les affaires internes dès l’arrivée au pouvoir de Kevin Rudd, le propulse à la tête de l’opposition en 2009.

Un an plus tard, en 2010, l’arrivée de Julia Gillard au pouvoir va permettre à Tony Abbott de dévoiler plus en profondeur ses convictions. "Les femmes au foyer australiennes doivent comprendre que si elles apportent leur linge à repasser au pressing, elles vont payer plus cher, mais en même temps, leur facture d’électricité sera plus élevée si elles font leur repassage elles-mêmes", explique-t-il, en argumentaire de sa fervente opposition à la taxe carbone.

Outrée par ses propos, la Premier ministre Julia Gillard se livre alors à une tirade mémorable en plein Parlement, fustigeant durant 15 minutes les propos machistes et sexistes du chef de l’opposition. Un camouflet pour Abbott qui n’en modifiera pas pour autant son attitude. La campagne de ces derniers mois a livré quelques dérapages à la hauteur de la réputation de l’homme.

Un conservateur radical adepte des sorties de piste

Le 6 août dernier, dans un message adressé à la population, Tony Abbott appelle à voter pour lui, "le mec avec deux filles pas désagréables à regarder", en référence à ses deux enfants Frances, 22 ans, et Bridget, 20 ans.

Toujours en août dernier, il se distingue en venant soutenir une candidate, louant son "sex appeal" en guise d’argument de campagne. Le physique, l’une des thématiques préférées de Tony Abbott, qui avait notamment accusé Julia Gillard d’avoir "un sourire "mange-merde" avant d’être contraint de s’excuser platement après le tollé provoqué par ses déclarations.

Des maladresses auxquelles s’ajoutent des prises de position souvent jugées radicales, dépassant parfois allégrement le politiquement correct. Ainsi, il jugeait récemment que l’avortement était "une solution de facilité", à laquelle il proposait de remédier par l’instauration d’un congé maternité de six mois pour les jeunes mamans.

Chantre du "climato-scepticisme", il explique pendant sa campagne que l’abolition de la taxe carbone pour les grandes entreprises polluantes, créée en 2012, est une nécessité. Il argue alors que le réchauffement climatique est "une connerie absolue".

Une entrée en fanfare

Dès son intronisation, mercredi 18 septembre, Tony Abbott n’a pas failli à sa réputation. Comme annoncé pendant sa campagne, il a sabré la taxe carbone, remplaçant le dispositif par des incitations financières aux entreprises souhaitant améliorer leur bilan énergétique. "Nous serons un gouvernement fonctionnel obéissant à des valeurs, pas à l'idéologie", promet-il.

Sa misogynie est également revenue sur le devant de la scène, avec le dévoilement de son nouveau gouvernement. Une équipe composée quasi-exclusivement d’hommes, au sein de laquelle Julie Bishop, nommée aux Affaires étrangères, détonne presque. Et l’opposition d’immédiatement ironiser sur le sujet, par la voix de Chris Bowen, l’un des poids lourds de la formation travailliste : "Le gouvernement d'Afghanistan compte désormais plus de femmes que celui d'Australie".