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Espagne : chaîne humaine catalane sur fond de crise économique

Les indépendantistes catalans ont réuni des milliers de personnes mercredi pour réclamer un référendum sur l'autodétermination de la région autonome d'Espagne. Ils placent la pression fiscale en tête de leurs revendications.

Les partisans de l'indépendance de la Catalogne ont formé une chaîne humaine d'environ 400 km le long de la côte méditerranéenne de cette région autonome d'Espagne mercredi soir.

Après la marche qui avait réuni plusieurs centaines de milliers de personnes le 11 septembre 2012, l'organisation indépendantiste Assemblée nationale catalane (ANC) voulait transformer l'essai. À en croire les correspondants des agences de presse qui ont constaté la mobilisation des manifestants tout au long du parcours, le pari est réussi.

Soutenue par les autorités régionales, la manifestation a eu lieu à l'occasion de la fête nationale catalane qui commémore la chute de Barcelone devant les troupes franco-espagnoles le 11 septembre 1714.

Avant même le début de la manifestation, les militants se galvanisent et rivalisent à coup de photos sur Internet : une chaîne humaine miniature en biscuit aux couleurs de la Catalogne s'étire dans la vitrine d'une boulangerie de Barcelone, tandis qu'un flanc de colline entier est drapé dans un drapeau jaune et rouge géant.

Via Catalana, Gran Muralla! Visca Catalunya des de la Xina pic.twitter.com/1YK20VRYEh

— Casal Català Beijing (@casalcatbeijing) August 31, 2013

"Toute solution passe par un référendum"

Lors d'une conférence de presse à Barcelone mercredi, le président du gouvernement régional catalan, Artur Mas, a déclaré : "Toute solution en Catalogne passe par les urnes, passe par une consultation, passe par un référendum. C'est l'engagement que nous avons pris." Élu à la suite de la manifestation de l'année dernière, le gouvernement d'Artur Mas a promis de faire voter les Catalans sur l'autodétermination en 2014.

La Via Catalana vise à faire pression sur le gouvernement central espagnol pour obtenir la reconnaissance de ce référendum. "Le monde doit de nouveau se tourner vers la Catalogne afin d’entendre à la fois la volonté majoritaire et démocratique du peuple catalan, et renforcer le processus qui doit permettre aux Catalans d’accéder à la liberté en 2014", affirme l'ANC sur son site web.

Guillaume Tusseau, professeur de droit et animateur d'un récent débat sur l'indépendance catalane à Sciences Po, explique à FRANCE 24 : "Aucune disposition dans la constitution ne permet aux Catalans de tenir ce référendum. Il utilisent un argumentaire démocratique pour le légitimer, mais il faudrait une loi au niveau espagnol pour que cela ait lieu."

L'universitaire ajoute que les législateurs espagnols ne montrent aucun empressement à autoriser une consultation remettant en cause l'unité du pays.

Crise économique

En attendant un hypothétique référendum, le débat fait rage sur le terrain économique. Alors que la crise frappe de plein fouet l'ensemble de l'Espagne, les indépendantistes affirment que la Catalogne – historiquement dynamique – perd chaque année jusqu'à 16 milliards d'euros entre les impôts qu'elle envoie à Madrid et les ressources qu'elle en reçoit.

Le conflit s'est récemment cristallisé autour du port de Barcelone, que beaucoup de Catalans voient comme la porte d'accès vers la reprise économique – à condition que le gouvernement central honore ses promesses d'investissements pour accroître sa capacité. Un accord est finalement intervenu sur ce sujet fin août.

Un participant à la manifestation
(01:20)

La dette des institutions régionales dépasse aujourd'hui 50 milliards d'euros. Pour les indépendantistes, il s'agit d'une preuve supplémentaire que la Catalogne est "colonisée économiquement par l'Espagne", selon un manifestant interrogé par RFI.

Mais d'autres émettent des doutes sur la gestion de la région au fur et à mesure de l'accroissement de son autonomie et sur sa stabilité en tant qu'éventuelle nation indépendante. "Ce que nous devrions nous demander c'est comment est dépensé l'argent en Catalogne. Il y a 20 ans, nous étions la région la plus riche et regardez aujourd'hui", déclare à l'AFP José Miguel Saez, chauffeur routier.

Un statut européen "pas clair"

Pour Guillaume Tusseau, la perspective d'une Catalogne indépendante créerait une situation sans précédent en Europe. Entre l'exemple sanglant du Kosovo et le cas du Québec, où le Canada a accepté la tenue de plusieurs référendums qui n'ont pas pour l'instant abouti à l'indépendance, d'autres modèles pourraient cependant se dessiner.

"La même question va se poser en Belgique d'ici peu et en Écosse dans un an. On va voir comment, dans des États pacifiques et démocratiques, des processus peuvent déboucher ou non sur une indépendance avec ou sans adhésion à l'Union européenne", prévient-il. Le statut européen d'un État séparé est en effet loin d'être simple. "Les règles ne sont pas claires et il n'y a pas de réponse", constate Guillaume Tusseau.

Les indépendantistes estiment que le nouveau pays deviendrait de droit membre de l'UE. Madrid leur rétorque qu'un processus d'adhésion sera nécessaire, et que l'Espagne s'y opposera. Quant aux institutions européennes, elles ne prennent pas position. "Ni le Royaume-Uni ni la Belgique ne suggèrent qu'ils vont faciliter une éventuelle adhésion de la Catalogne indépendante, qui favoriserait les projets écossais et flamand", souligne Guillaume Tusseau.

Pour trancher la question, le juriste estime que l'angle de la citoyenneté européenne pourrait être exploré : "Des Catalans actuellement citoyens européens pourraient-ils être privés de cette citoyenneté ?", s'interroge-t-il.