La loi votée par le parlement turc, interdisant la vente de boissons alcoolisées entre 22 heures et 6 heures, prend effet lundi 9 septembre. Cette mesure censée réduire la consommation provoque la colère des commerçants et des laïcs.
À compter de lundi 9 septembre à minuit, les commerçants turcs ne seront plus autorisés à vendre des boissons alcoolisées entre 22h00 et 6h00 du matin. Une distance réglementaire de 100 mètres au moins est également instaurée entre un débit de boissons et un lieu de culte ou un établissement scolaire, sauf dans le cadre d'une zone touristique. Mais ces différentes mesures sont loin de faire l'unanimité dans le pays, que ce soit du côté des professionnels ou des consommateurs.
Comme le rapporte le journal turc "Hurriyet", cette nouvelle législation est notamment vivement critiquée par les débitants de boisson qui s’inquiètent des conséquences économiques. "Je suis désolé de le dire, mais la plupart des commerçants vont continuer à vendre de l’alcool durant ces heures, car c’est là qu’ils en vendent le plus", explique au quotidien le propriétaire d’une épicerie à Istanbul. "Ces nouvelles règles vont seulement encourager les ventes illégales."
"J’ai un permis pour vendre de l’alcool et il n’y a pas d’école ou de lieu de culte à moins de 100 mètres de mon magasin, mais si quelqu’un décide de construire l’un de ses établissements près de chez moi, que va-t-il se passer ?", s’interroge également cet épicier.
Selon la confédération nationale des artisans et des commerçants turcs, cette loi va toucher durement les 200 000 petits détaillants du pays, alors que les restaurants ne sont pas concernés par cette interdiction. Pour le président de ce syndicat, Bendevi Palandöken, cette mesure va aussi encourager la délation : "Imaginez quelqu’un qui n’apprécie pas un commerçant dans son voisinage. Il pourrait l’accuser de vendre de l’alcool illégalement la nuit. Ce n’est pas une bonne chose."
"Une islamisation de la politique"
Ce tour de vis contre l'alcool cristallise aussi la colère des laïcs qui voient dans cette décision une preuve de l’islamisation de la politique du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis plus de dix ans. Durant les récentes manifestations antigouvernementales qui ont touché la Turquie, l'alcool est même devenu l'un des symboles de la contestation. Au cours des rassemblements, de nombreux protestaires ont bu ostensiblement dans la rue de la bière ou du raki, la boisson nationale, pour montrer leur désapprobation.
Le Parlement turc avait voté cette nouvelle législation en mai dernier pour réduire la consommation d’alcool dans le pays. À l’époque, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait lui-même appuyé cette mesure : "Il faut protéger la jeunesse de la nation des mauvaises habitudes. […] Nous ne voulons pas d'une génération qui titube jour et nuit sous l'emprise de l'alcool."
Mais comme le souligne le journal "Hurriyet", ce discours alarmiste concernant la santé publique n’a pas vraiment de raison d’être alors que "la consommation d’alcool dans le pays est déjà très basse". Une enquête menée par l'institut national TurkStat a ainsi révélé que 85 % des habitants du pays ne buvaient pas d’alcool.