En Tunisie, le ministre de la Culture a assigné en justice le réalisateur Nasreddine Shili pour "agression" après que celui-ci lui a jeté un œuf à la tête. L'artiste, dont le procès s'est tenu jeudi, risque jusqu'à 7 ans de prison.
En Tunisie, jeter un œuf sur un ministre peut se terminer devant la justice. Le comédien et réalisateur Nasreddine Shili a été convoqué, jeudi 5 septembre, devant le tribunal de première instance de Tunis pour avoir jeté un œuf contre le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk, le 16 août dernier à la Maison de la culture Ibn Khaldoun à Tunis (voir vidéo). Cinq jours plus tard, le 21 août, le réalisateur était arrêté à Sousse.
Nasreddine Shili risque une peine maximale de sept ans de prison pour complot en vue de commettre une agression préméditée contre un fonctionnaire, diffamation, ivrognerie, trouble à la paix, à la tranquillité et au bien-être des citoyens, et perturbation de la vie privée à travers les réseaux publics de communication. Le ministre de la Culture affirme être "prêt à retirer sa plainte si Nasreddine Shili présente des excuses. Le ministre n'a aucun problème personnel avec cet artiste", a indiqué l'avocat de Mehdi Mabrouk. Le ministre est cependant régulièrement accusé d’entretenir des relations tendues avec les milieux artistiques.
Etait également convoqué au tribunal le caméraman qui a tourné la vidéo de l’incident, Mourad Meherzi. Mais le ministre de la Culture, non-affilié au parti islamique Ennahda, a retiré sa plainte contre le vidéaste, reconnaissant, rapporte son avocat, qu’il ne "faisait que son travail" - il est employé de la chaîne Astrolab TV et avait été missionné par la chaîne pour couvrir la cérémonie à la maison de la culture.
Devant les juges, Nasreddine Shili avait plaidé la cause du caméraman. "J'avoue avoir lancé l'œuf sur le ministre, mais je jure que c'était un acte spontané, et qu'il n'y avait aucune complicité avec Mourad", a ainsi déclaré le cinéaste, qui affirme avoir acheté sur un coup de tête l'œuf quelques minutes avant de le lancer sur Mehdi Mabrouk.
Une justice sur la sellette
Un rapport des faits que confirme Human Rights Watch, qui a fait campagne pour la libération du caméraman. L’ONG note que Mourad Mehrezi aurait refusé de signer la déclaration de la police au moment de son arrestation parce qu'elle contenait de fausses accusations au sujet de sa complicité dans l'agression. "Si les autorités tunisiennes ne libèrent pas Mourad Mehrezi rapidement et n’abandonnent pas les charges retenues contre lui, elles confirmeront que l'espace pour la liberté des médias se rétrécit", écrivait Human Rights Watch le 2 septembre dernier.
La justice tunisienne a été pointée du doigt à plusieurs reprises ces derniers mois, notamment pour sa gestion du dossier du rappeur Weld el 15, condamné une nouvelle fois en début de semaine à une peine de prison pour ses textes, et des cas de la féministe Amina Sboui et de la blogueuse Olfa Riahi.
Le débat est également vif au sein des médias tunisiens au sujet de la ligne à tenir face aux pressions du gouvernement : alors que la crise crise gronde à la chaîne privée Nessma TV, où deux journalistes de premier plan ont démissionné pour divergence de point de vue avec la ligne éditoriale, les radios publiques sont elles en grève contre des nominations jugées arbitraires et politiques.