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Microsoft fait main basse sur Nokia

Microsoft va acquérir pour 5,4 milliards d'euros la branche téléphones portables de Nokia. Ce rachat va permettre au géant américain, distancé par Apple et Samsung, d'être plus compétitif en maîtrisant à la fois le matériel et les logiciels.

Attendu depuis des mois, le rachat de l'activité de téléphonie mobile de Nokia a finalement été annoncé mardi 3 septembre par Microsoft pour 5,4 milliards d’euros. Les deux compagnies étaient déjà partenaires depuis 2011, date à laquelle l’entreprise finlandaise avait choisi d’équiper ses téléphones mobiles du logiciel Microsoft Windows.

Avec cette acquisition, qui devrait être finalisée au cours du premier trimestre 2014, le géant américain veut passer à la vitesse supérieure et combler son important retard dans le domaine des téléphones. Dominant sur le marché des logiciels informatiques avec 90% des PC dans le monde équipés de Windows, Microsoft fait pâle figure sur le marché des mobiles. Alors que 90% des smartphones sont équipés des systèmes Android de Google et IOS d’Apple, le Windows Phone, lui, n'est présent que sur 3,3% des téléphones, selon les derniers chiffres du cabinet spécialisé Gartner.

Maîtriser le matériel et le logiciel

Comme l’a lui-même expliqué Steve Ballmer, le directeur général de Microsoft, qui a récemment annoncé son départ du groupe, ce rachat "va accroître la part de marché et les profits de Microsoft dans les téléphones et renforcer l’ensemble des opportunités à la fois pour Microsoft et [ses] partenaires dans toute la gamme des produits et des services".

En d’autres termes, il s'agit d'assurer la survie de Windows Phone en permettant à la firme de Redmond de mieux maîtriser sa filière industrielle en contrôlant à la fois le matériel et les logiciels. "L’entreprise pense qu’une meilleure intégration entre le matériel, les logiciels et les services est nécessaire pour être plus compétitive face aux systèmes d’Apple et de Google", résume ainsi le journaliste Timothy B. Lee sur son blog du "Washington Post". "Cela va permettre d’améliorer l’expérience des utilisateurs et de créer une plus grande base de clients", ajoute ce spécialiste des nouvelles technologies.

D’un point de vue financier, la compagnie créée par Bill Gates et Paul Allen espère surtout accélérer la croissance de ses profits. "Pour le moment, quand Nokia vend un Windows Phone, Microsoft reçoit une marge d’environ 10 dollars, alors que la plupart du profit revient à Nokia. (…) Désormais en combinant le matériel et les logiciels, Microsoft devrait percevoir 40 dollars par téléphone vendu", illustre ainsi Timothy B. Lee.

Un nouvel avenir pour Nokia ?

Microsoft n’est pas le seul bénéficiaire de cette acquisition. À l’annonce du rachat, l’action de Nokia a bondi de 47% dans les premiers échanges à la Bourse d'Helsinki. Les investisseurs perçoivent d’un bon œil le fait que la compagnie finlandaise, qui a longtemps dominé le marché des téléphones mobiles mais qui a manqué le virage des smartphones, va désormais se concentrer sur les activités de services et la construction de matériels pour opérateurs de service.

"Nokia n’a pas les moyens tout seul de trouver les ressources nécessaires pour poursuivre l’accélération sur le marché des mobiles et des smartphones. Cela est d’autant plus vrai que nous avons d’autres opportunités dans d’autres secteurs", a ainsi expliqué mardi en conférence de presse Risto Siilasma, le président par intérim du groupe finlandais qui remplace l’ancien directeur général Stephen Elop - ce dernier ayant rejoint Microsoft à la suite du rachat. Grâce à ce recentrage,  "la situation financière de Nokia devrait être beaucoup plus solide et ses recettes devraient considérablement s'améliorer", poursuit Risto Siilasma. 

Mais sur les marchés, cette réorientation ne convainc pas tous les analystes. "Cela va relancer un peu le cours de l'action, mais il me semble que dans le contexte global, cela arrive peut-être un peu tard pour l'entreprise", constate ainsi la spécialiste financière Brenda Kelly du groupe IG Markets à Londres.

Le site spécialisé Techcrunch est pour sa part beaucoup plus confiant. Il estime que cette nouvelle stratégie n’est pas inquiétante car elle s’inscrit dans la longue histoire de Nokia : "Ses activités ont débuté en 1860 en tant que fabrique à papier, puis de bottes en caoutchouc, de pneus et de câbles, avant de s’engager dans l’électronique avec des téléviseurs et des téléphones mobiles, où  l'entreprise a remporté le jackpot pendant des années".

Techcrunch s’attend à ce que Nokia concentre désormais ses recherches dans des domaines de pointe comme "les nanotechnologies et le graphène - peut-être pour créer des matériaux flexibles pour une toute nouvelle génération de mobiles". "Attendez-vous à voir Nokia faire tout ce qui est en son pouvoir pour continuer à faire tourner son entreprise”, conclut ainsi le site avec optimisme.