En première ligne dans la perspective d'une action militaire contre la Syrie aux côtés des Américains, le président français voit s’intensifier la pression de l'opposition qui réclame désormais un vote inédit au Parlement.
Alors qu’une action militaire internationale semblait imminente contre le régime syrien, tenu pour responsable de l'attaque chimique meurtrière du 21 août, le président américain Barack Obama a finalement annoncé samedi qu'il consulterait le Congrès. Une volte-face qui place dans l’embarras François Hollande, devenu son principal allié après le forfait britannique et le refus de l’Allemagne d’y participer.
C'est dans ce contexte que des personnalités de droite et du centre, qui ont exprimé leur hostilité à toute décision hâtive d'intervenir militairement au côté de Washington contre le régime de Bachar Al-Assad, sans feu vert de l’ONU, l’appellent désormais à organiser un vote au Parlement. Mais contrairement à David Cameron, qui a décidé de se plier à un vote qui n'était que consultatif, le président français, en tant que chef des Armées, a le pouvoir d'intervenir en Syrie sans solliciter le consentement des parlementaires
"Un vote formel"
Ainsi, après avoir dans un premier temps approuvé la démarche du chef de l’État dans le dossier syrien – la qualifiant mercredi de "juste sur la forme comme sur le fond", le président de l'UMP Jean-François Copé a fait marche arrière. Il a en effet nettement pris ses distances avec François Hollande, ce dimanche, en affirmant que "le syndrome irakien est présent dans tous les esprits", dans un entretien à "Sud Ouest". La veille, il avait demandé d'"attendre les conclusions des inspecteurs de l'ONU" avant de passer à l'action militaire.
Le premier secrétaire du Parti socialiste Harlem Désir a dénoncé, dimanche sur Radio J, "l'esprit munichois" de l'opposition qui émet des réserves au sujet d'une action militaire éventuelle de la France en Syrie.
"Je ne voudrais pas que les mêmes qui recevaient M. (Bachar) al-Assad un 14 juillet montrent aujourd'hui un esprit munichois face à ces atrocités", a-t-il lancé en allusion à la visite controversée en France du président syrien au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2008.
Des propos qui ont provoqué l'ire de Christian Jacob, chef de file des députés UMP, qui les a qualifiés "d'ignobles et d'une extrême gravité". Il a également demandé à François Hollande et Jean-Marc Ayrault de les condamner "avec vigueur".
De son côté, le centriste Jean-Louis Borloo (UDI) a demandé samedi soir un "vote formel" des parlementaires français, immédiatement après la déclaration de Barack Obama annonçant son intention de solliciter l’avis du Congrès américain. Un vote également réclamé par François Bayrou (MoDem), André Chassaigne, au nom des députés du Front de gauche, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) et Christian Jacob, patron des députés UMP, pour qui le gouvernement devrait même aller jusqu’à engager sa responsabilité dans un vote de confiance.
Toutefois, l'exécutif français semble peu enclin à organiser un tel vote, comme ce fût le cas en Grande-Bretagne, où le Premier ministre David Cameron s’est heurté au veto des parlementaires. En outre, selon un sondage BVA, 64% des Français sont hostiles à une intervention armée contre Damas. Conformément à la Constitution française, le président de la République est le chef des Armées, et en tant que tel, ce dernier a le pouvoir d'intervenir en Syrie sans solliciter le consentement des parlementaires. Pour l'heure, une session extraordinaire du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) consacrée au dossier syrien doit se tenir mercredi 4 septembre. Seul un débat, sans vote, est prévu.
Matignon convoque les principaux responsables politiques
Élisabeth Guigou, présidente (PS) de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, a expliqué dimanche sur I-télé, que le chef de l'État a "la responsabilité de décider" et peut se passer de l'accord du Parlement pour engager les forces armées à l'étranger. "Il le peut absolument, c'est la lettre et l'esprit de la Constitution", a souligné l'ancienne garde des Sceaux.
Par ailleurs, les services de Jean-Marc Ayrault ont annoncé, dimanche, que le Premier ministre recevra lundi à Matignon les principaux responsables parlementaires pour les informer de la situation en Syrie avant le débat au Parlement prévu mercredi.
Seront reçus, en présence des ministres Laurent Fabius (Affaires étrangères) et Jean-Yves Le Drian (Défense), les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Jean-Pierre Bel et Claude Bartolone, ainsi que les présidents des commissions de la Défense et des Affaires étrangères des deux chambres et tous les chefs des groupes politiques (majorité et opposition) de l’Assemblée et du Sénat, précise le communiqué de Matignon.
Avec dépêches