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Les Tondus, ces patrons français qui font la grêve de l'impôt

Alors que l'Élysée et Bercy entendent marquer une "pause fiscale", un entrepreneur a réussi à convaincre des milliers de chefs d’entreprises de ne plus payer leurs charges patronales pour protester contre le coût du travail.

Ils sont près de 70 000 à ne plus payer leurs charges patronales. Leur nom : les Tondus. Depuis la fin de juillet, ce groupe d’entrepreneurs a décidé de ne plus s'acquitter de ses obligations afin de manifester son mécontentement à l’égard du coût du travail en France.

Dans la lignée des Pigeons, Poussins et autres Plumés, ces patrons cherchent à attirer l’attention du gouvernement à grand renfort de pétitions, d'interviews dans la presse, d'une campagne d’affichages sauvages et d'hyperactivité numérique. "Sauf que nous, au lieu de se plaindre comme les Pigeons et les autres, on agit. Je ne veux pas fédérer autour d’un problème mais d’une action directe qui consiste à boycotter le paiement de nos charges sociales", explique à FRANCE 24 le fondateur du mouvement, Guillaume de Thomas, patron de divers entreprises dont une chaîne de saunas libertins mais également plusieurs sociétés de commerce en ligne.

Réponse souhaitée avant le 30 septembre

En refusant de payer l’Urssaf, le RSI (Régime social des indépendants) ou le MSA (Mutualité sociale agricole), les Tondus, dont l’action est principalement soutenue par des PME mais aussi de grandes entreprises comme la franchise Mezzo di Pasta ou le groupe Intersport, veulent frapper fort pour ouvrir le dialogue au plus vite. "Ce que je demande, c’est simplement que d’ici le 30 septembre soit mise en place une table ronde avec le gouvernement", explique Guillaume de Thomas.

Mais jusqu’à présent, l’Élysée a plutôt fait la sourde oreille. "J’ai voulu être le plus protocolaire possible, j’ai donc écrit une lettre à Monsieur Hollande en tant que chef d’entreprise, une en tant que citoyen et une autre en tant que porte-parole des Tondus. En guise de réponse à mes missives, on m’a renvoyé auprès du ministère de Monsieur Moscovici [ministre de l'Économie]." Mais là encore, Guillaume de Thomas fait chou blanc. Contacté par FRANCE 24, le ministère de l’Économie et des Finances indique que ce dossier est du ressort du ministre du Travail, Michel Sapin, qui n’a pas donné suite aux sollicitations de FRANCE 24.

Pour l’heure, les Tondus doivent donc se contenter de "la pause fiscale" annoncée par François Hollande le 30 août dans les colonnes du "Monde". "Pour les entreprises, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'est engagé à ne pas alourdir le coût du travail et à ne pas amputer leurs marges. Nous n'allons pas leur reprendre d'une main ce qu'on leur a donné de l'autre avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)", a assuré le chef de l'État.

Vers des licenciements et un boycott de la TVA ?

Face à ce qu’il considère comme un gouvernement hermétique, Guillaume de Thomas ne cache pas sa déception, mais surtout ses remontrances. "Nous, les entrepreneurs, sommes les premier acteurs de l’économie, les créateurs d’emplois, nous avons notre mot à dire !", s’exclament-il avant d’ajouter : "entre septembre 2012 et aujourd’hui, le coût du travail a pris 10,7 %. Plus on nous ignore, plus on nous met en danger et moins François Hollande a de chances de voir sa fameuse courbe du chômage s’inverser", estime-t-il.

Si au 30 septembre leur appel n’a toujours pas été entendu, les Tondus disent vouloir passer à la vitesse supérieure. "J’étudie actuellement avec deux cabinets juridiques la possibilité de mettre en demeure le chef de l’État de nous recevoir. Si nous n’obtenons pas gain de cause, nous cesserons de payer la TVA en plus de nos charges patronales. Et si cela ne suffit pas, nous commencerons à licencier. Mes employés le savent."

Les salariés soutiennent et comprennent

Non seulement "ils le savent" mais, à en croire Guillaume de Thomas, ils le soutiennent. "Sans mes salariés, je n’aurais jamais créé les Tondus. Quand on leur explique pourquoi nous sommes parfois obligés d’attendre le 10 du mois pour pouvoir payer leurs salaires, ils se rendent compte de l’injustice et de l’incongruité du système. Ils comprennent que leur dure réalité n’est pas si éloignée de la nôtre", assure Guillaume de Thomas.

Quant aux sanctions qu’il risque en s’endettant, l’entrepreneur "s’en moque" : "un contrôle fiscal ? Une saisie de mon compte ? Une interdiction d’exercer ? Quoi qu’il arrive, il ne s’agit pas d’un délit pénalement répréhensible." Et de conclure avec ironie : "Et puis la police m’a déjà interrogé. Ils savent au moins que je ne compte pas m’en prendre à l’intégrité du chef de l’État…"