Selon les médias américains et les experts, l’administration Obama se penche sur le précédent du Kosovo pour étudier l'éventualité d'une intervention contre la Syrie sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, qui reste paralysé par le veto russe.
Si officiellement Washington n'a pas évoqué un quelconque projet de frappe contre le régime syrien de Bachar al-Assad, accusé à demi-mot par les Occidentaux d’avoir fait usage d’armes chimiques, l’imminence d’une telle démarche ne semble plus faire l’ombre d’un doute. Notamment aux yeux des médias américains, selon lesquels l’administration Obama se penche sérieusement sur le précédent du Kosovo afin de contourner le cadre légal incarné par le Conseil de sécurité, qui reste paralysé par le veto russe et chinois. Un haut responsable américain, cité par le quotidien "The New York Times", a récemment confié que "le Kosovo, pour sûr, est un précédent qui présente de nombreuses similarités", avec la situation en Syrie.
Après Milosevic, Assad ?
Un précédent qui date de mars 1999, lorsque les Occidentaux, via l’Otan, avaient conduit des frappes aériennes sans mandat de l'ONU pendant 78 jours contre des cibles serbes au Kosovo et des bâtiments gouvernementaux à Belgrade. À l’époque,
comme c’est le cas aujourd’hui pour la crise en Syrie, la Russie opposait son veto à toute intervention au Conseil de sécurité contre le régime de Slobodan Milosevic, lui aussi accusé d’avoir commis des exactions dans la province majoritairement albanophone. À défaut d’être "légale", Washington et ses alliés avaient alors défendu le caractère "légitime" de l'intervention, au nom du "droit d’ingérence" lié à la protection des populations civiles.
"La charte des Nations unies permet à certaines organisations régionales d’intervenir pour s’attaquer à certains conflits, sans passer par le Conseil de sécurité, comme nous l’avons déjà vu dans le passé au Kosovo", précise à FRANCE 24, William Jordan, ancien représentant du Département d’État américain. En effet, l'article 51 de la charte évoque ainsi "le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales". Selon cet ancien diplomate américain, le précédent kosovar fût un bel exemple où l’Occident s’est érigé face aux Russes pour dire 'très bien, nous prendrons une autre voie'".
D’un point de vue militaire, il semble peu probable que les Occidentaux appliquent à la lettre le schéma kosovar à la Syrie. Ainsi, si le cadre de l’Otan avait été choisi pour mener les opérations militaires au Kosovo, les experts estiment qu'une mission limitée en Syrie ne peut être confiée à cette organisation en raison de la complexité à obtenir rapidement un consensus entre ses pays membres. L'opération pourrait donc être menée par une coalition de plusieurs pays volontaires, qui pourrait comprendre outre les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, des États de la région, comme la Turquie, qui s’est dit prête à se passer du feu vert de l'ONU, et des pays du Golfe, soutiens principaux de la rébellion syrienne.
Une coalition de volontaires ?
En outre, la longue campagne de frappes aériennes au Kosovo avait été suivie par un déploiement de militaires occidentaux sur le sol de l’ancienne province serbe. Ce qui semble exclu pour la Syrie. Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne, estime que "le scénario privilégié, déjà utilisé en 2003 contre l’Irak et contre la Libye plus récemment, est celui de la décapitation, qui permet de détruire par des frappes chirurgicales un certain nombre de centres de commandement et de points névralgiques du pouvoir ". D’autant plus, précise-t-il à FRANCE 24, que ce type d’opération contre des objectifs fixes ne nécessite justement pas la présence de soldats au sol.
"A priori, si la décision est prise, le bruit se répand à Washington qu’il devrait s’agir que de frappes militaires sur la Syrie, et depuis quelques jours une liste de cibles potentielles d’installations militaires et gouvernementales, établie par le Pentagone, circule à la Maison Blanche", confirme de son côté Stanislas de Saint-Hippolyte, correspondant de FRANCE 24 aux États-Unis.
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"Quelle sera la réponse appropriée ?"
Ces frappes dites chirurgicales seraient également d’ordre hautement symboliques selon plusieurs experts. "Si l’option choisie est celle d’une opération punitive, c'est-à-dire faire payer au régime l’usage d’armes chimiques, plutôt que des cibles militaires chimiques, le choix se portera sur des cibles politiques, peut-être symboliques, pour montrer à Damas qu’il ne peut agir impunément", estime Arnaud Danjean, député européen et président de la Sous-commission Sécurité et Défense (Sede) au Parlement européen.
Une intervention, peut-être. Mais quand ?
Reste la question du timing d’une telle intervention, sachant que des puissances occidentales ont déclaré, à l'opposition syrienne, ce mardi, que des frappes contre les forces du président Bachar al-Assad ne seraient plus qu'une question de jours, selon des sources présentes à une réunion à Istanbul.
Toutefois, un responsable américain cité par l’AFP estimait de son côté qu’aucune intervention n'interviendrait avant le départ de Syrie
des inspecteurs de l'ONU chargés d'examiner l'utilisation d'armes chimiques dans le conflit. "Il faut d’abord constater le blocage au Conseil de sécurité des Nations unies, avant de pouvoir se prévaloir d’une légitimité à sortir du cadre onusien, décrypte Cyril Vanier, spécialiste des questions internationales à FRANCE 24. De plus, il faut laisser le temps nécessaire aux inspecteurs de l’ONU pour terminer leur enquête. Ensuite, il faudra que les Occidentaux échafaudent leur coalition, car quoiqu’il arrive, les Américains auront à cœur de montrer qu’ils n’agissent pas seuls".