
Israéliens et Palestiniens doivent réenclencher ce mercredi, à Jérusalem, des discussions en vue de relancer le processus de paix. Mais la tension est à son comble depuis l'annonce de nouvelles constructions israéliennes dans les colonies.
Après trois ans de négociations gelées et des décennies de conflit, l’espoir d'un réenclenchement du processus de paix israélo-palestinien était revenu en juillet à Washington, où des représentants du gouvernement israélien et de l’Autorité palestinienne s’étaient retrouvés sous l’égide de John Kerry. Le secrétaire d'État américain leur a donné neuf mois pour aboutir à un accord de paix.
C’était compter sans le feu vert, ce mardi 13 août, du gouvernement israélien pour la construction de 942 nouveaux logements à Jérusalem-Est annexée, auxquels s’ajoutent 1 187 autres logements en Cisjordanie approuvés le 11 août. Ces deux nouvelles annonces font l’effet d’un véritable coup de tonnerre à la veille de la reprise des pourparlers qui doivent se tenir à Jérusalem, sous l'encadrement, cette fois, de Martin Indyk, l'émissaire américain qui fera office de médiateur.
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est "engagé" à poursuivre les négociations de paix avec Israël, malgré le feu vert donné mardi à la construction de 942 logements à Jérusalem-Est annexée, a assuré mardi le secrétaire d'État américain, John Kerry. "Je vais parler avec lui aujourd'hui [...] Il est engagé à venir participer à la négociation parce qu'il croit que la négociation est ce qui permettra de résoudre ce problème", a-t-il déclaré.
"Pour que les choses soient claires, les États-Unis considèrent illégitimes ces implantations. En même temps, le Premier ministre Netanyahou avait été bien franc devant moi et le président Abbas en nous prévenant qu'il annoncerait de nouvelles implantations de logements dans des endroits qui n'affecteraient pas le plan de paix, qui n'auraient pas d'impact sur la possibilité de parvenir à un accord de paix", a ajouté John Kerry.
Plusieurs ONG et responsables politiques dénoncent un sabotage avant même que les deux parties ne se soient assises à la table des négociations. "C'est une décision terrible qui relève de la provocation envers les Palestiniens, les Américains et le monde entier qui s'opposent tous à la poursuite de la colonisation", a dénoncé Yossef Alalu, conseiller municipal de la gauche israélienne.
La tension est telle que certains s’inquiètent de voir les Palestiniens annuler purement et simplement leur venue dans la Ville Sainte. Un scénario peu probable selon Charles Enderlin, correspondant à Jérusalem pour France 2. "Dans cette affaire, aucune des deux parties ne veut être tenue pour responsable de l’échec des négociations, explique-t-il à FRANCE 24. Si les Palestiniens décidaient de ne pas aller à Jérusalem, ils deviendraient alors les fautifs. Je pense qu’ils vont s’y rendre et vont protester auprès des Américains." Les Palestiniens devraient donc arriver quasiment en position de force puisqu’ils pourront avancer que les Israéliens cherchent, via ces nouvelles constructions, à torpiller les négociations.
Réponse à la libération de 26 détenus palestiniens
Du côté de Tel Aviv, on se défend en assurant qu’il s’agit d’une décision des plus légitimes. "Les constructions décidées à Jérusalem et dans les colonies sont situées sur des terrains qui resteront israéliens", a ainsi affirmé Mark Regev, un porte-parole du Premier ministre, Benjamin Netanyahou. La municipalité de Jérusalem, quant à elle, tient à souligner qu'il ne s'agit pas d'un nouveau plan, mais de la poursuite "d'un projet de développement de Gilo [zone résidentielle de Jérusalem-Est] annoncé il y a deux ans".
Quoiqu’il en soit, avant même de pouvoir poser la première brique, le processus administratif est encore long. Ce qui laisse penser, pour beaucoup d’experts et de commentateurs, que ces annonces sont avant tout un écran de fumée destiné à protéger la coalition de Benjamin Netanyahou composé de membres du centre-droit et de la droite nationaliste religieuse. Cette dernière, qui est la frange la plus à droite du gouvernement a, en effet, très mal vécu l’annonce, le 11 août, de la libération de 26 détenus palestiniens de longue date décidée par une commission ministérielle israélienne. Ils devraient quitter leur prison le plus discrètement possible dans la nuit du mardi 13 au mercredi 14 août.
"Ces terroristes qu'on libère ont tué des femmes et des enfants. Je ne comprends pas bien en quoi relâcher des prisonniers peut aider la paix", a fustigé le ministre israélien du Logement, Uri Ariel, issu du parti nationaliste religieux Foyer juif. Ces prisonniers, parmi lesquels aucun dirigeant ne figure, représentent un premier contingent sur les 104 libérations promises par les Israéliens. Les autres doivent être libérés progressivement, en fonction de l'avancée des négociations.
L’espoir suscité par la médiation de John Kerry
En somme, les négociations de ce mercredi 14 août s’ouvrent dans "une atmosphère de très grand scepticisme. Benjamin Netanyahou et Mahmoud Abbas veulent entrer dans ce processus de paix tout en n’y croyant pas, résume Charles Enderlin. Chacun dit que le maximum qu’ils ont à offrir n’atteint pas le minimum de ce que l’autre peut accepter."
Pour faire avancer ces tribulations, reste l’arme John Kerry. Le successeur d'Hillary Clinton est le premier, en trois ans de tentatives avortées, à avoir pu rasseoir Israéliens et Palestiniens à la table des négociations. "En arriver là, c’est déjà un succès pour John Kerry", affirme Charles Enderlin, qui explique que le but est désormais de parvenir à maintenir le dialogue entre les parties le plus longtemps possible.
Mais dans cette phase actuelle de paramétrage qui se résume à négocier sur les négociations à venir, John Kerry sait que le dialogue peut rompre à tout moment. Le secrétaire d'État américain s’est attaché à apaiser les tensions avant le rendez-vous de mercredi notamment en appelant les Palestiniens à "ne pas réagir négativement" à l'annonce par Israël de la construction de nouveaux logements. John Kerry a également rappelé que les États-Unis "considèrent comme illégitimes toutes les implantations" israéliennes en territoire palestinien et s’est entretenu deux fois en 48 heures avec Benjamin Netanyahou pour lui réitérer la position américaine "de façon très claire".
Pour préserver le moindre progrès dans les discussions, le chef de la diplomatie américaine, qui a la confiance des deux parties, est le seul à être autorisé à commenter officiellement les négociations en cours. Et il a déjà prévenu qu’il ne serait pas très expansif afin de laisser, cette fois-ci, le plus d’espace aux acteurs qui ne seront pas tentés de se provoquer par médias interposés.
Mais la route est encore longue pour atteindre l’objectif que John Kerry s’est fixé : devenir le médiateur du Proche-Orient le plus efficace depuis Henry Kissinger. Ancien secrétaire d’État sous les administration Nixon et Ford dans les années 1970, ce pape de la diplomatie américaine est connu comme l’un des artisans de la paix entre l’Égypte et Israël après la guerre de Kippour.