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À deux jours du scrutin, les autorités redoutent un taux d'abstention important. Durant toute la campagne, les partis d'opposition ont appelé au boycottage, dénonçant un "passage en force" du président sortant, quasi assuré d'être réélu.

Théâtre, voici une vingtaine années, d’une expérience pluraliste prometteuse mais de courte durée, l’Algérie organise, le 9 avril, une élection présidentielle dénuée d’enjeu. Au pouvoir depuis 1999, le président Abdelaziz Bouteflika postule pour un troisième mandat au terme d’une révision constitutionnelle dénoncée par des pans entiers de la classe politique et de la société civile.

Confronté à cinq candidats en mal de notoriété, le chef de l’État sortant, 73 ans, est quasiment assuré d’un nouveau bail de cinq ans. De Hocine Ait-Ahmed, chef du Front des forces socialistes (FFS, laïc), le plus vieux parti d’opposition, à Saïd Sadi, leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc), les principales figures de l’opposition boycottent le scrutin.

Les dirigeants de l’ancien Front islamique du salut (FIS, interdit en 1992) ne peuvent y concourir, si tant est qu’ils le souhaitent. Condamnés par la justice, ses deux principaux chefs, Abassi Madani et Ali Benhadj, sont privés de mandats électoraux.

Une élection "jouée d'avance"

Des "personnalités nationales" - euphémisme médiatique désignant un groupe d’anciens hauts dirigeants du pays - brillent également par leur absence. C’est le cas, entre autres, de l’ancien président de la République, le général Liamine Zeroual (1994-1998), et de l’ancien Premier ministre ‘’réformateur’’, Mouloud Hamrouche (1989-1991).

En déclarant forfait, ces candidats entendent dénoncer la révision constitutionnelle du 12 novembre 2008, qui a "fait sauter le verrou" de la limitation des mandats. Élu une première fois en 1999, réélu en 2004 - "mal élu", affirment ses adversaires -, Bouteflika ne pouvait pas solliciter un troisième bail en vertu de la Loi fondamentale de 1989 (révisée en 1996).

Syndrome tunisien

Pour l’opposition, il n’en fallait pas plus pour y voir la manifestation d’un "syndrome tunisien" - allusion au long règne du président tunisien Ben Ali - et l’installation de l’Algérie dans une "présidence à vie". Fondateur de la Ligue algérienne des droits de l’Homme, Me Ali Yahia Abdenour ironise sur une campagne présidentielle qui n’en a que le nom. "L’élection s’est jouée le 12 novembre. C’est une victoire à la Pyrrhus", déclare l’avocat à FRANCE 24.

Légalement, une révision constitutionnelle peut se faire au moyen d’un référendum ou par voie parlementaire. Le recours du président Bouteflika à la seconde option dans un parlement "sous contrôle" trahit une volonté de "passage (électoral) en force", selon le RCD. "C’est un coup d’État déguisé", s’est irrité, sur le plateau de FRANCE 24, le président du RCD, Saïd Sadi.

Installé au Qatar depuis 2005, le chef du FIS, Abassi Madani, appelle les Algériens à tourner le dos aux urnes. Une telle attitude est motivée, selon lui, par la fermeture du champ politique et le verrouillage des canaux d’expression libre.

Le forfait de l’opposition est "problématique", observe Benjamin Stora, historien spécialiste du Maghreb. Sans adversaires de taille face au président sortant, la compétition souffre, selon lui, d'un manque de crédibilité. Il pointe par ailleurs un risque de démobilisation de la classe politique et de lassitude de l’opinion publique. A défaut d’alternance et à force de ne pas exercer le pouvoir, "l’opposition court le risque de l’usure", explique-t-il à FRANCE 24.