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Rejets d'eaux contaminées dans l'océan : nouvelle urgence à Fukushima

Le gouvernement japonais a annoncé mercredi qu’environ 300 tonnes d’eau contaminée se déversaient chaque jour dans l’océan Pacifique, qualifiant la situation d'"urgente". Une catastrophe écologique à laquelle Tepco peine à faire face.

Après des mois de dénégations, Tepco, le groupe qui gère la centrale de Fukushima, a finalement reconnu pour la première fois fin juillet que des eaux souterraines radioactives s'étaient écoulées dans l'océan Pacifique. Mercredi, le gouvernement japonais a révélé qu'environ 300 tonnes d'eau contaminée se déversaient chaque jour dans l’océan Pacifique, deux ans après la catastrophe nucléaire survenue en mars 2011.

Le problème du stockage de l’eau

Le Premier ministre japonais a annoncé mercredi que les autorités s’impliqueraient désormais davantage dans la gestion des fuites de la centrale. "Stabiliser la centrale de Fukushima est notre défi. En particulier, l'eau contaminée représente un problème urgent qui suscite beaucoup d'inquiétude dans la population", a déclaré Shinzo Abe lors d'une réunion d'une cellule de crise gouvernementale sur le sujet. L’exécutif prévoit de limiter les écoulements radioactifs dans la mer à 60 tonnes par jour à partir de décembre. L'État, qui a déjà versé 3 800 milliards de yens (près de 30 milliards d'euros) pour sécuriser le site et indemniser les victimes, va devoir une nouvelle fois mettre la main à la poche.
 
Comment de l’eau contaminée a-t-elle pu se déverser dans l’océan ? À la suite du tsunami, qui a provoqué d’importants dégâts dans la centrale, de l’eau douce a été injectée sur les réacteurs endommagés pour les maintenir à une température inférieure à 50°C. Les 400 tonnes d’eaux contaminées utilisées pour réaliser l’opération ont été stockées dans des réservoirs souterrains qui ont présenté des fuites en divers endroits. Les eaux hautement radioactives se sont alors déversées dans les nappes phréatiques, puis dans l’océan.
 
L’aveu tardif de Tepco
Face à l’ampleur de la catastrophe écologique, de nombreux Japonais s’interrogent sur les réelles compétences de l'opérateur de la centrale japonaise pour trouver des solutions efficaces. Pour Jérôme Joly, de Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), "Tepco a les épaules pour gérer cette mission". "Le seul reproche que l’on peut adresser au groupe, et qui n’est pas le moindre, c’est d’avoir tardé à se préoccuper du problème des fuites et d’avoir tardé à l’avouer aux autorités compétentes", explique le scientifique à FRANCE 24.
 
La compagnie d'électricité Tokyo Electric Power (Tepco) a en effet attendu le mois de juillet pour avouer que de l’eau contaminée s’écoulait dans l’océan. Auparavant, la firme prétendait que l'eau restait bloquée dans les sous-sols. Un poisson pêché près de la centrale au mois de janvier présentait pourtant un niveau de contamination radioactive plus de 2 500 fois supérieur à la limite autorisée.
 
Pour Dale Klein, l’ancien chef de la Commission de régulation nucléaire aux États-Unis, "les erreurs successives de Tepco montrent bien à quel point les dirigeants de la multinationale ne savent pas ce qu’ils font. Ils n’ont aucune solution et ne font pas ce qu’il faut pour protéger l’environnement", s’est-il indigné lors d’une visite à Tokyo.
 
Encore 40 années de travail
Pour tenter d’endiguer le phénomène, la multinationale a entrepris de construire une enceinte de confinement souterraine étanche entre le site et l’océan. "Une mesure à court terme qui ne règle pas le problème du stockage de l’eau dont le volume représente 700 m3 par jour", explique Jérôme Joly, directeur général adjoint, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Tepco envisage de construire de nouvelles cuves de stockage à la surface, pour éviter les fuites souterraines.
 
Mais les conséquences environnementales restent préoccupantes. "Les effets sur la biodiversité ne sont pas du même ordre que pour la catastrophe de Tchernobyl car les rejets sont plus faibles mais vont se diffuser plus longtemps dans le temps", explique Jérôme Joly.
 
Deux ans après le drame, 160 000 habitants ont quitté le secteur en raison des radiations dans l'air, le sol et les eaux. Plus de 1 400 habitants de la région sont morts des suites de la catastrophe du fait des mauvaises circonstances de leur évacuation, de la détérioration de leurs conditions de vie ou encore par suicide, à cause de la perte de tous leurs biens ou de leur activité. Aucun décès n'a, en revanche, été directement associé aux émanations radioactives qui ont suivi l’explosion du réacteur de Fukushima.
 
On estime que le nettoyage du site devrait prendre une quarantaine d'années. Fukushima est la plus grave catastrophe nucléaire civile depuis Tchernobyl, en avril 1986.