Les tensions qui règnent entre l’Espagne et Gibraltar connaissent un nouveau regain depuis plusieurs jours. En cause : la construction d’une barrière artificielle en béton construite le long de l’enclave sous giron britannique depuis 1713.
Gibraltar, territoire britannique situé au sud de l'Espagne, pierre d'achoppement majeure des relations entre Londres et Madrid, est à nouveau au centre des tensions. À l’origine du différend, la décision du gouvernement britannique de jeter à la mer 70 blocs de béton hérissés de piques destinés à empêcher le passage des chalutiers et attirer les poissons. Les pêcheurs espagnols ont vu dans la construction de cette barrière artificielle, qui existe à divers endroits sur les côtes espagnoles, le signe d’une hostilité manifeste du "Rocher" à leur égard.
Devant l’affront britannique, le ministre espagnol des Affaires étrangères a dès lors sonné "la fin de la récréation". Une série de mesures contraignantes, qui, assure-t-on côté espagnol, sont sans rapport avec le bétonnage de l’enclave britannique, s’en sont suivies.
La réplique espagnole
Les contrôles à la douane, frontière par laquelle transitent chaque jour des milliers de Britanniques, ont d’abord été renforcés, créant des files d’attente de plusieurs heures. La technique, tout a fait légale, est bien connue des habitants de Gibraltar en période de crise diplomatique. Lundi, le chef du gouvernement de Gibraltar, Fabian Picardo, a accusé l’Espagne d’avoir infligé délibérément des files d'attente "inutiles à des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, citoyens de l’Union européenne, dans des températures élevées" pour se venger.
Le zèle des agents douaniers est "une chose absolument indépendante" du conflit, a tenu à préciser le ministre des Affaires étrangères, José Manuel García Margallo, dans une interview accordée dimanche au quotidien "ABC". Le ministre du parti populaire a, par ailleurs, ajouté à sa défense que l’Espagne avait l’obligation de contrôler fermement "la contrebande, le blanchiment d'argent et le trafic illicite". C’est bien connu, a ironisé "El País", Gibraltar est "une caverne de pirates, un nid de contrebandiers et un paradis pour les fraudeurs".
Menaces sur le Rocher
Les autorités espagnoles ont également interdit le passage des bétonneuses à la douane et brandissent désormais la menace d’une taxe de 50 euros pour l'entrée et la sortie de chaque véhicule, en vue de limiter les embouteillages à la frontière…provoqués par la police espagnole.
Madrid a également lancé l’idée de renforcer les contrôles fiscaux, réviser la concession de 60 000 lignes téléphoniques et réguler le commerce prospère des paris en ligne, ou encore de limiter le trafic aérien.
Des "réminiscences" du franquisme
Des mesures "disproportionnées" s’indigne Londres qui se dit "sérieusement préoccupée" par ces tensions. "Nous souhaitons une explication de la part [du gouvernement espagnol] au sujet des informations selon lesquelles il pourrait prendre de nouvelles mesures contre Gibraltar", a annoncé lundi un porte-parole de David Cameron.
Le ton est monté d’un cran avec le gouvernement local de Gibraltar qui a comparé les menaces espagnoles à "de claires réminiscences des politiques et tactiques développées contre Gibraltar par le régime fasciste de Franco dans les années 1950 et 1960".
L'opposition espagnole voit, pour sa part, dans cette affaire une occasion toute trouvée par le gouvernement de faire diversion et d’étouffer un scandale politico-financier, l'affaire Bárcenas, dans lequel le gouvernement Rajoy est empêtré depuis des semaines.