Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, doit s’exprimer jeudi devant le Parlement sur le scandale de corruption qui secoue son parti depuis le mois de janvier, et dans lequel son nom est cité. Une audition très attendue par l’opposition.
La journée de jeudi 1er août est attendue de pied ferme par les Espagnols : le Premier ministre, Mariano Rajoy, doit s’exprimer devant le Parlement. S’exprimer, ou plutôt s’expliquer sur le scandale de corruption qui éclabousse son parti, le Parti populaire (PP, centre-droit), depuis plus de six mois. Cette mise au point est réclamée aussi bien par le principal parti d’opposition, le PSOE, que par les membres de son propre clan, "bien qu’ils ne veuillent pas l’admettre en public", relève le quotidien "El Mundo", selon qui un "climat hostile" attend le chef du gouvernement.
D'après un sondage réalisé le 21 juillet par "El Mundo", 83 % des personnes interrogées croient au financement illégal du PP par la fameuse "caisse noire". De même, 66 % des citoyens espagnols consultés pensent que le Premier ministre Mariano Rajoy fait partie des bénéficiaires de cet argent sale.
Le "scandale des enveloppes", également nommé "l’affaire Barcenas", du nom du chef d’orchestre de cette présumée corruption généralisée, a été découvert en janvier. Après une première salve de révélations d’"El Mundo", le quotidien "El Pais" publie des registres sur lesquels figurent les noms de cadres du PP bénéficiaires d’une "caisse noire", des sommes qui proviendraient de la corruption et qui auraient été distribuées sous enveloppe depuis des années par le trésorier du parti, Luis Barcenas (à droite sur la photo). Sur la liste publiée par le quotidien, un nom ne passe pas inaperçu : c’est celui du Premier ministre, Mariano Rajoy, qui aurait perçu chaque année pendant 11 ans un total de 25 200 euros.
D’autres dirigeants du parti populaire, au pouvoir en Espagne depuis 2011, sont mis en cause dans cette affaire. Maria Dolores de Cospedal, numéro deux du PP et présidente de la région de Castille-La-Manche, est convoquée comme témoin le 14 août prochain par la justice. Ses deux prédécesseurs au poste de secrétaire général du parti, Javier Arenas et Francisco Alvarez Cascos, sont pour leur part convoqués le 13 août pour s’expliquer.
Des SMS qui accablent Mariano Rajoy
Jusqu’à présent, le Premier ministre se défend en assurant qu’il n’a jamais touché un centime de ces caisses noires, et accuse Luis Barcenas d’être le seul responsable. Une version des faits beaucoup moins crédible depuis le coup de théâtre du 14 juillet dernier : Luis Barcenas, lâché quelques jours plus tôt par ses anciens amis du PP, dévoile des SMS entre lui et Rajoy à "El Mundo".
La révélation enfonce encore un peu plus le chef du gouvernement : les textos échangés entre 2011 et 2013 montrent que les deux hommes ont gardé des rapports amicaux après le début du scandale, quand Barcenas était déjà visé par une enquête judiciaire pour fraude fiscale. Cherchant à se démarquer du scandale, Rajoy avait pourtant toujours affirmé ne plus être en relation avec lui. "Luis, rien n’est facile, on fait ce qu’on peut. Courage", peut-on par exemple lire dans l’un des messages, dont le gouvernement n’a pas démenti l’authenticité.
Le lendemain, le 15 juillet, Luis Barcenas va plus loin et avoue aux juges être l’auteur des registres de comptabilité parallèle. Plus grave, il affirme que Mariano Rajoy – tout comme tous les présidents et secrétaires généraux du PP - était non seulement au courant de ces financements occultes mais qu’il en a largement bénéficié. "Pendant ces vingt dernières années au moins, le Parti populaire a été financé de manière illégale", a-t-il ainsi déclaré à "El Mundo". C’est maintenant parole contre parole entre le chef du Parti et son ancien trésorier.
Une audition déjà critiquée
Si l’audition de jeudi est très attendue, certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer une intervention qui ne tiendra pas ses promesses. L’opposition craint en effet que Mariano Rajoy – qui ne cite jamais le nom de Barcenas, préférant user du terme "sujet qui intéresse" - élude les questions sensibles et ne dise pas toute la vérité. Un élu du PP, Esteban González Pons, a déjà annoncé que la priorité du discours de jeudi serait la situation économique. Ensuite viendront les scandales, a-t-il assuré.
Mais le PSOE, parti d’opposition, a prévenu : si ses deux objectifs ne sont pas atteints jeudi, à savoir obtenir la vérité et la démission de Mariano Rajoy, une motion de censure pourrait être déposée en septembre… Elle n’aura cependant guère de chance d’aboutir, puisque c’est le Parti populaire qui dispose de la majorité absolue.