Trois mois après l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, tous les acteurs de l'industrie textile se sont engagés à améliorer les conditions de travail des ouvriers. Mais certaines entreprises américaines ne semblent pas jouer le jeu.
Où en est aujourd'hui l'industrie textile au Bangladesh, trois mois après l'effondrement de l'immeuble du Rana Plaza, qui a tué plus de 1 100 personnes en avril dernier ? Sous la pression de l'Organisation internationale du travail (OIT), les pouvoirs publics du pays et les grandes enseignes internationales ont mis en place plusieurs plan d'action pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise.
Le gouvernement bangladais a adopté, lundi 15 juillet, une nouvelle loi du travail visant à améliorer les droits des salariés. Le texte prévoit que les syndicalistes ne puissent plus être mutés après un mouvement social. "Une avancée non négligeable quand on sait que leurs activités étaient lourdement réprimées jusqu'à présent", précise sur FRANCE 24 Fanny Gallois, chargée de mission pour le collectif Éthique sur l'étiquette.
Un fonds destiné à améliorer le niveau de vie des salariés sera également constitué grâce aux entreprises qui devront déposer 5 % de leurs bénéfices annuels dans un fonds d'assistance. Ce texte est perçu comme une étape cruciale dans la lutte engagée contre l'exploitation dans un pays qui compte 4 millions de travailleurs textiles. L'accident industriel le plus meurtrier du pays avait levé le voile sur les "ateliers de la misère", où les ouvriers, parfois payés moins de 30 euros par mois, travaillent à des cadences infernales et où les accidents sont monnaie courante.
"Les inspections ont débuté"
Cette législation s'inscrit dans la lignée de l'accord "Incendie et sécurité" (Fire and Building Safety Agreement) signé, lundi 8 juillet, par 70 grandes marques et distributeurs, principalement européens. Les signataires se sont engagés à inspecter toutes les usines de textile du pays et à effectuer les travaux de sécurisation indispensables en cas de besoin. Une administration chargée de superviser l'application des accords sera installée aux Pays-Bas.
"Les inspections qui ont débuté dans les temps doivent être achevées au plus tard dans neuf mois, a indiqué Fanny Gallois. Des programmes de rénovation et de réparation seront mis en place en cas de besoin". Figurent parmi ces grandes marques, le français Carrefour, le britannique Tesco, l'italien Benetton, l'espagnol Inditex (Zara), le suédois H&M et l'américain PVH (Tommy Hilfiger et Calvin Klein).
"Une initiative moins contraignante"
En parallèle, 17 autres enseignes américaines et canadiennes, dont Walmart et Gap, ont paraphé, mercredi 10 juillet, un autre plan, appelé l'Initiative pour la sécurité des travailleurs au Bangladesh (Bangladesh Worker Safety Initiative). Mais cette résolution est jugée bien moins contraignante que l'accord "Incendie et sécurité", aux yeux de l’organisation Clean Clothes Campaign (CCC), qui œuvre pour améliorer les conditions de travail des ouvriers des sous-traitants textiles.
“Leur protocole ne change rien au modèle actuel, qui ne se soucie guère des ouvriers, et n'a pas réussi à éviter les quelque 2 000 décès recensés dans ce secteur depuis des décennies", dénonce la porte-parole d'Éthique sur l'étiquette Nayla Ajaltouni. Si, à travers ce programme, ces entreprises veulent officiellement améliorer les conditions de travail jugées inacceptables, Nayla Ajaltouni estime que "leur seul intérêt est de relancer leurs affaires".
Le collectif Clean Clothes Campaign, quant à lui, s'insurge contre le beau discours des grandes enseignes, qui se sont engagées il y a plusieurs semaines à indemniser les familles des victimes. "Aujourd'hui, la majeure partie d'entre elles n'ont toujours pas reçu la moindre compensation", souligne Nayla Ajaltouni qui évalue le montant à plus de 54 millions d'euros.