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Christopher Froome, la "suspicion légitime"

, envoyé spécial à Vaison-la-Romaine – Les performances du Britannique Christopher Froome font parler. Les écarts produits sur ses concurrents par le leader de l’équipe Sky à Ax-3-Domaines et au Mont Ventoux ont marqué les esprits. Le public n’y croit plus. Le Britannique se défend.

Au lendemain de sa facile victoire au Mont Ventoux, Christopher Froome a dû affronter la presse lundi 15 juillet à l’occasion de la 2e journée de repos du 100e Tour de France. Et forcément, il a été question de dopage. Il faut dire que les performances de l’Anglais ont de quoi semer le doute.

Au sommet du Géant de Provence, un journaliste norvégien avait fait remarquer au maillot jaune que les comparaisons avec Lance Armstrong fleurissaient. Le leader de l’équipe Sky lui a alors répondu spontanément qu’il prenait cela comme un compliment ! Puis le natif de Nairobi a étayé ses propos : "J’ai dit que je prenais ça comme un compliment parce qu’il a gagné ces courses. Une fois que ça est dit, me comparer à Lance… Lance a triché, je ne triche pas. Point final."

Christopher Froome sait pourtant que le sujet n'est pas clos. C’est trop gros, trop flagrant. Le Tour de France n’en finira jamais avec la suspicion, celle qui accompagne les dominations les plus écrasantes. "Ce n’est plus la présomption d’innocence, mais la suspicion légitime", nous confie le Dr Jean-Pierre de Mondenard, spécialiste de la lutte antidopage et auteur du livre "Les grandes premières du Tour" (Hugo & Compagnie).

Froome, plus vite que Pantani et Armstrong

Jamais un Anglais n’avait gagné au sommet du Mont Ventoux. Dimanche lors de son ascension en 57’19’’, Christopher Froome n’a pas battu le record d’Iban Mayo (55'51" lors du contre-la-montre de 2004), mais il a fait mieux que le regretté Marco Pantani en 1994 (57’34’’), que l’honni Lance Armstrong en 1999 (57’52’’) et que l’ancien banni Alberto Contador en 2009 (58’45’’).

Christopher Froome a assommé une nouvelle fois ses concurrents, désormais proches du KO. Le "Kényan blanc" a offert aux suiveurs incrédules, une image inédite sur la Grande Boucle, celle d’un coureur capable de sprinter sans même se mettre en danseuse sur les terribles pentes du Mont Ventoux. A 7,2 km de l’arrivée, Froome place une accélération terrible : vissé sur sa selle, l’Anglais se met à mouliner, mouliner et mouliner encore. "C’est surréaliste !", a d'ailleurs commenté Cédric Vasseur, ancien cycliste et consultant pour France Télévisions.

"Froome est trop fort"

Froome a franchi la ligne d’arrivée avec une demi-heure d’avance sur le meilleur horaire prévu, lors d'une étape, il est vrai, partie très vite. Cela n’empêcha pas l'Anglais de faire, sourire aux lèvres, une bonne vingtaine de minutes de home-trainer supplémentaires à l’arrivée…

On attendait le natif de Nairobi à Ax-3-Domaines et il a écœuré d’entrée la concurrence lors d’une ascension qualifiée de "quasi-mutante" par Antoine Vayer, dans Le Monde. On l’attendait sur le contre-la-montre du Mont-Saint-Michel et il a creusé un écart profond avec ses poursuivants. On l’attendait au Mont Ventoux et il était encore seul au monde. "Froome est trop fort. Personne n’est à la hauteur de ce coureur", a déclaré à l’arrivée son dauphin, le Colombien Nairo Quintana. "Il y a Froome et les autres."

Les performances de Christopher Froome laissent perplexes. Même les croyants les plus fidèles sont envahis par le doute. Pourtant, son équipe, Sky, met tout en œuvre pour séduire. Ainsi le maillot jaune, à la différence de son prédécesseur Bradley Wiggins, répond dans plusieurs langues aux journalistes, n’éludant aucune question. Sur le dopage et le reste. Mais la communication avec le public n’opère pas. Pour preuve, on a pu entendre des sifflets dans les derniers kilomètres de l’ascension.

"Le sportif n’a pas une longueur, mais des trains d’avance sur la lutte antidopage"

"On en revient toujours au même dénominateur commun. On ne peut pas affirmer, sur les contrôles, que Christopher Froome est dopé", nous confie le Dr de Mondenard. "Les sportifs prennent des substances que les laboratoires ne cherchent pas et les laboratoires cherchent des substances que les sportifs ne prennent pas."

"Les contrôles sur le Tour de France sont là pour labelliser propre les coureurs qui se sont organisés pour être négatifs au moment du contrôle. C’est une machine à labelliser propre", ajoute l’auteur de "La grande imposture". "Le sportif n’a pas une longueur, mais des trains d’avance sur la lutte antidopage."

Une lutte antidopage qui ne convainc aucunement Jean-Pierre de Mondenard. "A la fin du Tour on va nous raconter que l’on a pratiqué 200 contrôles tous négatifs ! Mais ce n’est pas ça que l’on attend. C’est que l’on nous dise 200 contrôles négatifs à telles et telles substances. Et pour les autres substances on ne les a pas testées."

"A partir du moment où le dopage est généralisé, les coureurs considèrent qu’ils gagnent sans tricher. C’est ce qu’ont dit notamment Armstrong et Ulrich." C’est ce que dit également Christopher Froome, très probable vainqueur de ce Tour, et pour le moment aucune enquête n’a prouvé le contraire.