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Le chauffage gratuit, c'est simple comme un ordinateur ?

Une start-up francilienne, Qarnot Computing, a mis au point Q.rad, un radiateur d’un nouveau genre qui utilise la puissance de calcul des ordinateurs pour chauffer, gratuitement, un logement. Un immeuble HLM parisien a commencé à en être équipé.

C’est un deux pièces comme il y a en tant d’autres dans cet immeuble HLM de la rue Balard à Paris. À une nuance près : son locataire ne paie pas le chauffage. C’est la jeune start-up francilienne Qarnot Computing qui règle la facture à sa place. Elle y a installé, dans le cadre d’un partenariat rendu public mercredi 10 juillet avec la Ville de Paris et la régie HLM qui gère l’immeuble, deux radiateurs d’un nouveau genre qu’elle a mis au point. Baptisé Q.rad, ce sont, en fait, des radiateurs numériques dans lesquels quatre ordinateurs remplacent les résistances traditionnelles pour créer de la chaleur. D’ici à la fin de l’année, les 100 autres appartements de cet HLM vont aussi pouvoir se chauffer à l’œil.

“L’idée est qu’un ordinateur en marche dégage de la chaleur et qu’en mettant dans un radiateur classique les composants essentiels d’un PC comme le processeur et la carte mère on peut arriver à chauffer un logement”, explique Paul Benoit, fondateur et président de Qarnot Computing. L’utilisateur peut, grâce à un thermostat, régler la température comme il l’entend et les ordinateurs logés dans les radiateurs s’adaptent en tournant plus ou moins à plein régime. La part d'électricité générée par les radiateurs dans la facture EDF est remboursée par l'entreprise

Son PDG n’entend pas essayer de rendre le chauffage gratuit par pure bonté d’âme. Il espère bien gagner de l’argent grâce à son système novateur. Comment ? Grâce à la puissance de calcul générée par ces radiateurs numériques. Ils sont en effet reliés par l’Internet à Qarnot Computing qui loue ensuite cette puissance mutualisée. “Elle peut servir à des PME, des centres de recherche, des universités ou à tout autre structure qui n’a pas forcément les moyens d’aller voir des data-centers [grandes fermes d’ordinateurs, NDLR] qui louent leur puissance de calcul très cher”, souligne Paul Benoit. L’offre de Qarnot Computing est “environ quatre fois moins chère que celles de la concurrence”, assure le chef d’entreprise. La société n’a, en effet, pas besoin de construire et de maintenir des data-centers : elle compte s’appuyer sur le réseau d’ordinateurs disséminés au gré des locaux équipés de Q.rad qu’elle est en train de construire.

L’œuf ou la poule ?

Qarnot Computing ne s’est pas lancée dans ce qu’elle appelle “la démocratisation de la puissance de calcul” par hasard. “La demande explose et l’offre a besoin de s’y adapter”, estime le fondateur de la start-up. En fait, dès qu’une tâche dépasse les capacités d'un ordinateur, il faut penser à louer de la puissance de calcul. Des cabinets d’architectes peuvent en avoir besoin pour modéliser leurs projets en 3D, des petits studios d’animation en sont friands pour réaliser leurs dessins animés et le développement du “big data” (le traitement informatique d’un grand nombre de données à la fois) promet des lendemains qui chantent à ce secteur.

Sur le papier, le plan a l’air parfait : des clients qui n’ont plus à payer le chauffage et des entreprises qui dépensent moins qu’avant pour louer la puissance de calcul. Mais dans la réalité, “nous sommes actuellement confrontés à un problème classique d’œuf et de poule”, reconnaît Paul Benoit. Pour louer de la puissance de calcul il faut que suffisamment de radiateurs soient installés, mais pour assurer la gratuité du chauffage, Qarnot Computing doit avoir des clients qui paient pour la fameuse puissance de calcul. C’est la raison pour laquelle des partenariats comme celui de la rue Balard sont essentiels pour la jeune start-up.

Surtout que Paul Benoit ne veut pas, pour l’instant, “vendre les radiateurs directement au public malgré le nombre de mails que je reçois en ce sens”. Le prix des Q.rad - qu’il refuse de révéler - serait jugé exorbitant : “ce sont tout de même des radiateurs qui contiennent l’équivalent de quatre ordinateurs très puissants”. Il ne ferme cependant pas définitivement la porte à une distribution future des Q.rad en magasin. Mais avant cela, la jeune start-up doit avoir les reins financiers plus solides et avoir suffisamment de clients pour se permettre soit de vendre les radiateurs à perte soit de les louer à des prix raisonnables.

L’autre souci de Qarnot Computing vient avec les beaux jours. Le chauffage est, généralement, éteint pendant l’été, alors que les entreprises n’arrêtent pas, pour autant, d’avoir besoin de puissance de calcul. “C’est à nous de trouver des endroits qui acceptent que les radiateurs continuent à fonctionner durant cette période”, souligne Paul Benoit citant, en exemple, les écoles et toutes les structures qui sont fermées pendant l’été. Une solution qui risque de faire grincer quelques dents chez les écolos, même si les Q.rad ne génèreront jamais autant d'électricité qu'un data-center.