
L’auteur du double attentat de Boston en avril dernier, Djokhar Tsarnaev, a plaidé "non coupable" aux différents chefs d’accusation retenus contre lui. Un choix stratégique décrypté par l’avocat aux barreaux de Paris et de New York, Ron Soffer.
“Non coupable”. Ce sont les deux seuls mots qu’a prononcés Djokhar Tsarnaev, l’auteur du double attentat qui a endeuillé le 15 avril le marathon de Boston, lors de sa première comparution publique au tribunal fédéral de Boston, mercredi 10 juillet. Des mots que l’adolescent musulman d’origine tchétchène a répétés à sept reprises au fur et à mesure que lui ont été signifiés les faits qui lui sont reprochés. Il est notamment accusé "d’utilisation d’une arme de destruction massive ayant causé la mort" et "d’attentat dans un lieu public ayant causé la mort". Au total, il est inculpé de 30 chefs d’accusation, dont 17 sont passibles de la peine de mort. Comment peut-il arriver à prouver son innocence alors que le visage de Djokhar Tsarnaev a été identifié sur des vidéos de surveillance au moment de l’attentat qui a fait trois morts et 264 blessés ? Explication de l’avocat aux barreaux de Paris et de New York, Ron Soffer.
FRANCE 24 : Pourquoi plaider non coupable ?
Ron Soffer : Cette première posture procédurale permet simplement d’ouvrir la voie au procès. Plaider coupable impliquerait qu’il reconnaît les faits et il serait alors directement condamné à la peine de mort. En revanche, plaider non coupable signifie que le gouvernement va devoir prouver la culpabilité de l’accusé. Cela veut dire trouver des témoins - le procureur a prévu de faire comparaître 80 à 100 témoins à charge. Cela va prendre du temps et nécessiter de l’argent, ce qui n’est pas forcément dans l’intérêt du procureur, qui peut alors être ouvert à la négociation avec les avocats de Tsarnaev. Il faut savoir que dans la justice américaine, l’accusé peut plaider coupable à n’importe quel moment de la procédure. On peut donc envisager un accord avec l’avocat de la défense, qui peut accepter de plaider coupable à condition que le procureur ne requière pas la peine de mort.
Est-ce si difficile de prouver la culpabilité de Tsarnaev ?
Ce ne sera pas si facile car lors du procès qui devrait durer plusieurs mois, le jury populaire sera chargé de statuer sur la culpabilité de Tsarnaev à l’unanimité. Et il faut qu’elle soit prouvée au-delà du doute raisonnable (la justice américaine parle de "No reasonnable doubt"), ce qui implique qu’un seul élément de doute peut conduire à l’acquittement. On peut imaginer que l’avocat de la défense axe sa défense sur le fait que ce n’est pas parce qu’on voit Tsarnaev en photo sur le lieu du drame qu’il a forcément commis l’acte. Il n’est pas non plus exclu qu’un membre du jury le trouve sympathique....Si les jurés n’arrivent pas à se mettre d’accord à l’unanimité, un nouveau procès aura lieu, on parle alors de "hung jury".
Si le jury déclare Tsarnaev coupable, sera-t-il alors condamné à mort ?
Non, la procédure judiciaire a lieu en deux temps. En cas de culpabilité, un nouveau mini procès aura lieu devant les mêmes membres du jury populaire. Chaque partie présentera alors ses arguments. Le jury devra alors statuer et prendre sa décision à l’unanimité.