À un mois du premier tour de l’élection présidentielle, branle-bas de combat au Mali pour tenter de tenir les délais. Les incertitudes sont nombreuses et une élection précipitée pourrait aggraver l'instabilité politique du pays.
C’est une véritable course contre la montre qui est en train de se jouer au Mali. Dans exactement 30 jours doit se tenir le premier tour d’une élection présidentielle jugée cruciale. Mais vendredi 28 juin, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a émis des doutes sur la possibilité de respecter le calendrier, jugeant "extrêmement difficile" de finaliser l’organisation du scrutin d’ici au 28 juillet.
Les cartes d’électeurs ne pourront pas être distribuées à temps
Mamadou Diamoutani a d’abord expliqué que la distribution des cartes Nina (pour Numéro d’identification nationale), à la fois cartes d’identification et d’électeur, "a pris beaucoup de retard". "Or, c’est le seul document qui permet à l’électeur de voter." Imprimées en France par la société Morpho Safran, ces cartes biométriques – une première au Mali – sont seulement arrivées il y a quelques jours à Bamako. Selon le président de la Céni : "Il va être extrêmement difficile de remettre les cartes aux électeurs maliens en moins d’un mois, surtout quand on sait qu’il y a plus de 6,8 millions de cartes, qu’il y a beaucoup de populations déplacées."
Près de 500 000 personnes ont en effet fui leurs villes et villages suite à l'offensive djihadiste au Nord-Mali au printemps 2012. Certaines se sont réfugiées à l'étranger et bon nombre d’entre elles ne sont pas encore rentrées. Ces réfugiés, dont le nombre exact et la localisation restent inconnues, avaient jusqu’au jeudi 27 juin pour se signaler auprès des autorités locales du lieu où ils se trouvent.
La situation à Kidal pose également question
Deuxième difficulté, l’armée et la Céni ne sont toujours pas présentes à Ouagadougou en dépit de l’accord conclu le 18 juin entre le gouvernement et les rebelles touaregs qui occupent la ville du nord. Cet accord a certes ouvert la voie à la présidentielle et permis d’accélérer les opérations préparatoires du scrutin mais l’administration malienne doit progressivement revenir à Kidal et les combattants touaregs doivent rester cantonnés dans la ville.
Selon Mamadou Diamountani, cette situation "rend extrême difficile, voire impossible" la tenue du premier tour de la présidentielle à la date prévue. Un premier contingent – des Béninois – de la Minusma, force des Nations unies au Mali, vient tout juste d’arriver à Kidal. Les casques bleus de l’ONU débutent donc leur déploiement au Mali. Le 1er juillet, ils doivent prendre le relais de la France et des Forces africaines sur place depuis six mois.
Une histoire d'échéance
À quelques heures du délai fixé pour déposer les candidatures -vendredi 28 juin à minuit-, une vingtaine de candidats se sont déjà déclarés parmi lesquels trois anciens Premier ministres (Ibrahim Boubacar Keïta, Modibo Sidibé et Cheick Modibo Diarra) ou encore Soumaïla Cissé, ex-ministre à plusieurs reprises. La Cour électorale aura jusqu’au 6 juillet, veille du démarrage de la campagne, pour valider ou non ces candidatures. D’ici là, l’état d’urgence instauré au début de l’intervention militaire doit également être levé. Un éventuel second tour pourrait se tenir le 11 août, si le calendrier est respecté.
Après le coup d’État du 22 mars 2012 et les gouvernements successifs de l’interminable période de transition, l’objectif est le retour de la stabilité politique au Mali avec des institutions légitimes et crédibles. La date du 28 juillet avait été fixée par le gouvernement malien de transition sous la pression de la communauté internationale, et notamment de la France. Cette dernière appelle de ses vœux un président malien légitimement élu pour permettre la reprise de l’activité dans le pays et la réouverture du dialogue avec les communautés du nord du pays.
Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander un report du scrutin afin d'éviter un flop, d’autant que la participation est ordinairement déjà très faible lors des élections au Mali. Vendredi 28 juin, sous couvert d’anonymat, un ministre malien expliquait à l’AFP que "tout le monde est d’accord pour le report" car "nous ne voulons pas des élections bâclées". Une course contre la montre est engagée pour tenir les délais mais de plus en plus d’acteurs internationaux s’interrogent et reconnaissent qu’il serait peut-être sage de repousser le scrutin afin d'éviter un retour à la case départ.