Un milliardaire chinois veut construire un canal au Nicaragua pour concurrencer celui du Panama. Mais de nombreux détracteurs remettent en cause la crédibilité de ce gigantesque projet dont le coût est estimé à 30 milliards d'euros.
"Ce n’est pas une blague.” Le milliardaire chinois Wang Jing a bien du mal à faire accepter le sérieux de son grand projet :construire au Nicaragua un canal concurrent à celui du Panama. Il a d'ailleurs assuré, mardi 25 juin, qu’il avait réussi à intéresser différents partenaires et que les travaux du chantier pourraient commencer dès l’année prochaine pour s’achever en 2020. “Je ne veux pas que cela deviennent l’exemple d’un investissement chinois raté”, a-t-il martelé.
L’enjeu n’est pas mince et le chantier est estimé à 40 milliards de dollars (30 milliards d’euros). Wang Jin a obtenu la semaine dernière l’aval de l’Assemblée nationale du Nicaragua pour réaliser ce projet. Le tracé du nouveau passage fluvial, dévoilé mardi 25 juin, permettrait de raccourcir les trajets entre New York et San Francisco de plusieurs centaines de kilomètres par rapport à la voie actuelle qui passe par le canal de Panama.
Doubler le PIB du Nicaragua
La pression est d’autant plus forte sur l’homme d’affaires chinois que l’idée d’un nouveau canal passant par le Nicaragua échoue à se concrétiser depuis plus de 100 ans. Les États-Unis avaient ainsi dû abandonner, à la fin du XIXe siècle, un projet en raison de tensions géopolitiques dans la région. Leur tracé prévoyait de passer entre le Nicaragua et le Costa Rica.
Le projet de Wang Jing vise à établir une nouvelle route qui traverserait le Nicaragua du Pacifique à l'Atlantique sur 286 kilomètres. Le nouveau canal, qui ferait 520 mètres de large, pourrait permettre le passage de supertankers transportant 400 000 tonnes de frets. Le milliardaire chinois, qui a monté le consortium HK Nicaragua Development (HKND) exprès pour ce chantier, a reçu une concession de 50 ans pour exploiter cet éventuel nouveau canal.
Sur le papier, cette grande œuvre semble être sur les bons rails. Elle devrait ainsi désengorger le canal de Panama et apporter plusieurs dizaines de milliers d’emplois au Nicaragua. L’exploitation du canal devrait même permettre, d’après les défenseurs du chantier, de doubler le PIB du pays, l’un des plus pauvres d’Amérique latine, rappelle le quotidien britannique "The Guardian".
Mais qui est Wang Jing ?
Des bienfaits qui ne pèsent pas lourd dans la balance des nombreux détracteurs du projet. Wang Jing essuie depuis plusieurs semaines un feu nourri de critiques. “La concession a été donnée à une entreprise quasiment inconnue”, s’étonne Esteban Polidura, analyste à la Deutsche Bank à Mexico, qui ne croit pas que le projet prendra réellement corps. Wang Jing a en effet fait fortune dans les mines d’or, de fer et de pierres précieuses ainsi qu’en investissant dans les télécommunications et il n’a aucune expérience des grands chantiers.
Ces détracteurs s'interrogent également sur les liens supposés entre l’homme d’affaires, le régime communiste chinois et son armée. Le PDG de HKND a réfuté ces allégations affirmant qu’il était “un homme d’affaires chinois normal, tout ce qu’il y a de plus normal”. Néanmoins, pour l'ex-candidat à l'élection présidentielle Fabio Gadea, ce projet reste "une atteinte à la souveraineté territoriale" et nécessiterait "un référendum".
D’autres encore s’inquiètent du coût environnemental d’un tel chantier. Ils craignent, notamment, que le passage continu de supertankers pollue de manière irréversible le lac Nicaragua qui sert de réserve naturelle d’eau au pays.
Enfin, un flou artistique continue à planer autour du financement du projet. Wang Jing a assuré que “la levée de fonds se passait très bien pour l’instant”, mais il a refusé de nommer les éventuels investisseurs.