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Pour Rohani, le dossier nucléaire "ne peut être réglé que par la négociation"

Hassan Rohani a exposé ses vues sur le nucléaire et la Syrie, ce lundi, lors d’une conférence de presse très attendue. Le président élu iranien a notamment souhaité une "nouvelle entente" avec le monde.

Le président iranien élu, Hassan Rohani, qui doit succéder à Mahmoud Ahmadinejad le 3 août, a tenu, lundi 17 juin, sa première conférence de presse depuis l’annonce de sa victoire. "Le gouvernement [...] poursuivra les objectifs nationaux [...] sur la voie d'un sauvetage de l'économie du pays, d'une relance de l'éthique et d'une interaction constructive avec le monde avec de la modération", a-t-il déclaré aux journalistes, venus en nombre pour l’écouter. Il a également souhaité une "nouvelle entente" avec le monde.

Le président élu a surtout présenté son point de vue sur le dossier nucléaire de l’Iran, lui, qui a été entre 2003 et 2005, le chef négociateur de Téhéran sur cette question qui est au cœur des inquiétudes des grandes puissances. "Nos programmes nucléaires sont totalement transparents, mais nous sommes prêts à faire preuve d'une plus grande transparence encore et à démontrer au monde entier que les mesures prises par la République islamique d'Iran s'inscrivent totalement dans le cadre des règles internationales", a-t-il déclaré.
À FRANCE 24, le prochain président a précisé que Téhéran n'était pas disposé à suspendre l'enrichissement de l'uranium, affirmant que "l'époque" des demandes occidentales pour une telle suspension "est révolue".
"L'accord avec Jacques Chirac aurait pu être l'accord final sur la question nucléaire"
Nucléaire : Ce qu’avait proposé Jacques Chirac aux Iraniens

En faisant allusion à une proposition de Jacques Chirac, le président élu iranien, Hassan Rohani, commet volontairement un anachronisme habile. En 2005, le président français avait tendu la main aux Iraniens en suggérant de laisser Téhéran poursuivre l'enrichissement de son uranium pendant les négociations. Une aubaine pour l'Iran qui pouvait ainsi continuer à gagner du temps. C’est la raison pour laquelle les alliés de la France, Britanniques et Américains, avaient refusé de prendre ce risque.
Depuis Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy sont revenus sur cette proposition alors que le nombre de centrifugeuses mises en service par les Iraniens n’a cessé d’augmenter et que se rapprochait la perspective du "seuil" nucléaire à partir duquel Téhéran pouvait être en mesure de fabriquer un engin nucléaire. En janvier 2007, à la suite d'une interview controversée au "New York Times", Jacques Chirac avait précisé sa pensée en indiquant qu’il était dangereux de laisser se poursuivre ce processus. En résumé, dans cette course contre la montre, ce qui se concevait déjà difficilement en 2005 est encore moins réaliste aujourd’hui.
 

"Nous sommes maintenant dans une autre période. Je pense que nous avons beaucoup de façons de créer une atmosphère de confiance, a-t-il affirmé à Pascale Bourgaux, envoyée spéciale de FRANCE 24 en Iran. Vous venez de France, vous savez que nous avons mené des négociations avec le président Chirac en 2005 (voir encadré). Nous sommes parvenus à un accord pour créer la confiance au niveau international et continuer l'enrichissement d'uranium en Iran."
Et de préciser : "Cet accord avec M. Chirac aurait pu être l'accord final sur la question nucléaire - les Allemands ont dit qu'ils étaient d'accord aussi. Malheureusement, les Britanniques, sous la pression des États-Unis, n'ont pas donné leur accord. Il y a beaucoup de façons de créer la confiance. L'une d'entre elles est l'accord auquel nous sommes parvenus avec M. Chirac. Il peut être l'une des façons d'y parvenir."
"Les menaces et les sanctions ne sont pas efficaces"
Concernant les sanctions internationales, qui se sont traduites par une crise économique dans le pays et qui ont été imposées contre le programme nucléaire de Téhéran suspecté de vouloir se doter de l’arme nucléaire, il a indiqué qu’elles sont "injustes et injustifiées", d’autant plus que, selon lui, "elles sont au désavantage de l'Occident et profitent seulement à Israël". Pour Hassan Rohani, "le problème nucléaire ne peut être réglé que par les négociations, les menaces et les sanctions ne sont pas efficaces".
"Les sanctions internationales ont abouti à faire pression sur l'Iran et à pousser les Iraniens à voter Rohani parce qu'ils en ont assez de la situation", analyse pour FRANCE 24 Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et auteur de "Géopolitique de l'Iran". Mais sur le nucléaire, l'Iran a gagné : Téhéran est capable d'enrichir l'uranium contre l'avis des Nations unies. Il suffit qu'on reconnaisse que l'Iran enrichit l'uranium à 3,5 % sous contrôle international, insiste Bernard Hourcade. Benjamin Netanyahou [le Premier ministre israélien] a dit 'je ne veux pas 20 % et l'Iran ne demande que 5 % d'enrichissement. L'accord sur le nucléaire peut se trouver facilement'."
Syrie : "Nous sommes contre les ingérences étrangères"
Pour ce qui est de la crise syrienne, l’autre dossier brûlant sur lequel il était attendu, le président élu s'est dit opposé à toute ingérence étrangère dans les affaires syriennes, affirmant que la crise doit être réglée par le peuple syrien. "Nous sommes contre le terrorisme, la guerre civile et les ingérences étrangères, j'espère qu'avec l'aide de tous les pays de la région et du monde, la paix et le calme reviendront en Syrie", a-t-il ajouté.
"Le gouvernement actuel [du président Bachar al-Assad] doit être respecté par les autres pays jusqu'à la prochaine élection [présidentielle de 2014] et ensuite c'est le peuple qui décidera", a poursuivi le président iranien, dont le pays est l’allié régional de Damas. La République islamique est accusée par la rébellion syrienne et les pays qui la soutiennent de fournir des armes au régime syrien, et de combattre via le Hezbollah libanais aux côtés de l’armée du président Assad.
"Rohani adopte pour le moment la ligne officielle du régime sur la Syrie, car c’est un dossier sur lequel il a moins de prise que sur celui du nucléaire qu’il maîtrise bien ", explique à FRANCE 24, François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, qui connaît personnellement le président élu iranien.