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L'ADN humain ne peut pas être breveté, estime la Cour suprême américaine

La Cour suprême américaine a tranché : l'ADN de synthèse peut être breveté mais en aucun cas l'ADN humain, produit de la nature. Une société de biotechnologies avait revendiqué la propriété de deux gènes liés aux cancers de l'ovaire et du sein.

L'ADN humain est un produit de la nature et ne peut pas être breveté, a tranché jeudi la Cour suprême des Etats-Unis, dans un litige crucial pour la recherche génétique.

La plus haute juridiction du pays a eu le dernier mot dans une intense bataille juridique sur la propriété intellectuelle de deux gènes, dont les mutations héréditaires accroissent fortement le risque de développer le cancer du sein et de l'ovaire.

C'est l'un de ces gènes défectueux qui a conduit l'actrice Angelina Jolie a subir récemment une ablation des seins pour éviter de développer un cancer.

La société de biotechnologies Myriad revendiquait la propriété de ces gènes, qu'elle a isolés dans les années 90 et pour lesquels elle a déposé neuf brevets.

Mais des chercheurs, médecins et femmes souffrant ou ayant souffert de ces cancers avaient porté plainte estimant que le monopole de Myriad empêchait la mise au point d'autres tests médicaux et entravait la recherche fondamentale.

Les neuf sages n'ont pas tardé à décider qu'une entreprise privée ne pouvait pas s'approprier un produit de la nature. Après à peine deux mois de délibérations, un délai très court pour cette instance, la haute Cour a jugé à l'unanimité que "l'ADN produit naturellement est un produit de la nature et n'est pas éligible pour un brevet, simplement parce qu'il a été isolé".

Myriad a "découvert un gène important et nécessaire mais les découvertes aussi révolutionnaires, innovantes et brillantes soient-elles ne s'appliquent pas en soi" à la loi sur les brevets, a écrit le juge Clarence Thomas, dans l'arrêt de la Cour.

En vertu de la loi sur les brevets, "les lois de la nature, les phénomènes naturels et les idées abstraites sont des outils fondamentaux du travail scientifique et technologique qui n'entrent pas dans le domaine de la protection des brevets", a-t-il ajouté.

Recherche sans crainte d'être traduit en justice

A l'audience, le 15 avril dernier, les neuf sages avaient examiné tour à tour l'exemple de l'or, extrait du sol à l'état naturel pour l'échanger sur les marchés, d'une batte de baseball que l'on découpe dans le tronc de l'arbre ou encore d'une plante cueillie de l'Amazonie à des fins médicales.

Ils se sont finalement rangés à l'avis de l'Association de pathologie moléculaire qui, avec des chercheurs et des malades, contestait la décision de justice inférieure donnant droit à la société Myriad.

Entre temps, l'actrice hollywoodienne Angelina Jolie, porteuse d'un de ces gènes défectueux, a annoncé avoir subi une ablation des seins en raison du risque qu'elle encourrait de développer un cancer. Les avocats des plaignants avaient salué sa démarche, qui mettait en lumière le coût prohibitif pour certaines femmes d'un test de dépistage de ces gènes.

Parmi les plaignants, la puissante Union américaine pour la défense des libertés (ACLU) estime que "les barrières aux tests, notamment leur coût" était au coeur de l'affaire.

Sandra Park, avocate de l'ACLU, s'est félicitée mercredi que la haute Cour "abatte ainsi un obstacle majeur à l'innovation médicale et aux soins des patients". "Myriad n'a pas inventé les gènes BRCA et ne doit pas les contrôler. Grâce à cette décision, les patients auront un accès plus grand aux tests génétiques et les scientifiques pourront s'impliquer dans la recherche sur ces gènes sans crainte d'être traduits en justice".

"La vrai bataille qui compte n'est pas devant les tribunaux, elle est dans la lutte contre le cancer", a commenté la société Myriad Genetics, basée dans l'Utah. "Le vrai débat va au-delà des brevets. Il porte sur la santé humaine et sur l'innovation, pour s'assurer que les tests sur les cancers sont accessibles et abordables pour toutes les femmes qui en ont besoin", a dit la société sur son site Facebook.

La haute Cour a toutefois permis à certains brevets de Myriad de survivre, ceux sur l'ADN complémentaire, c'est-à-dire copié de l'ADN d'une cellule et artificiellement synthétisé.

Elle a jugé que "l'ADN complémentaire peut être breveté car il n'est pas produit naturellement". Dans ce cas, "le technicien de laboratoire crée sans nul doute quelque chose de nouveau", a décidé la haute Cour, optant pour la solution du compromis prôné par l'avocat du gouvernement Obama.

AFP