
Seul un des candidats en lice pour la présidentielle iranienne est un ayatollah, alors que plusieurs autres sont issus de l’organe militaire des Gardiens de la révolution. Clément Therme, chercheur associé à l’EHESS décrypte la situation.
L’Iran élira vendredi 14 juin son prochain président après huit ans de présidence de Mahmoud Ahmadinejad. Cette course électorale reflète l’importance grandissante des Gardiens de la révolution puisque trois candidats sur six en sont issus : Mohsen Rezaei, ancien commandant en chef des Gardiens de la révolution, Mohammad-Bagher Ghalibaf, ancien commandant des Forces aériennes des Gardiens et Saïd Jalili, ancien chef bassiji et vétéran de la guerre Iran-Irak.
FRANCE 24 : Peut-on encore parler de "régime des mollahs" en Iran alors que sur les six candidats à la présidence iranienne, seul Hassan Rouhani est un ayatollah ?
Clément Therme : Le clergé jouit d’une impopularité auprès d’une partie de la
population urbaine qui ne souhaite plus qu’il se mêle de politique, même certains religieux sont en désaccord vis-à-vis de l'exercice d'une tutelle religieuse sur le pouvoir politique, l’ayatollah Sanei ou Ali Sistani par exemple. Mais il ne faut pas oublier que les clercs restent présents à tous les niveaux de l’État iranien, et ce dans des institutions de poids : le Conseil des gardiens de la Constitution qui valide les candidatures à la présidence, l’Assemblée des experts, les représentants du Guide suprême en province…
F24 : Saïd Jalili et Mohammad-Bagher Ghalibaf sont les favoris, côté conservateur. Tous deux ont gravi les échelons de l’État iranien grâce à leur engagement dans le Corps des gardiens de la révolution. Cela révèle-t-il une reprise en main de la politique iranienne par cet organe militaire ?
Clément Therme : Il est vrai que l’appareil sécuritaire a de plus en plus d’importance dans la gestion de l'État iranien. Mais ça ne change pas la nature profonde de l’État
Ce corps d’élite de la République islamique a été créé en 1979 pour veiller sur les acquis de la révolution islamique et assurer la sécurité de l’ayatollah Khomeini. Il s’est progressivement transformé en armée parallèle disposant de ses propres moyens.
Après la guerre Iran-Irak (1980-1988), les Gardiens de la révolution prennent le contrôle de postes stratégiques de l’économie iranienne : la construction, le pétrole, les télécommunications. Aujourd’hui, ils continuent d’investir dans des secteurs très variés, de l’industrie automobile à l’alimentation.
Ils sont placés sur la liste officielle des organisations terroristes par les États-Unis.
iranien, fondé sur le "velayat-e faqih" [ principe qui confère aux religieux la primauté sur le pouvoir politique ] auquel tous les candidats cités font allégeance. Les Gardiens de la révolution sont une armée idéologique au service de la Révolution islamique. D’ailleurs, il faut rappeler qu’officiellement, la Constitution interdit aux Gardiens de la révolution d’interagir dans l’élection présidentielle et d’influencer la politique. S’ils ne sont pas issus du clergé, on ne peut pas pour autant taxer ces candidats de vouloir séculariser la société. C’est un aspect de l’évolution du régime iranien qui rappelle celui de la Russie post-soviétique, où un personnage comme Poutine ancien membre du KGB a pris le pouvoir en Russie.
F24 : Face au bloc de candidats conservateurs Hassan Rouhani, favori du camp réformateur, a-t-il des chances d’être élu ?
Clément Therme : Rouhani peut mobiliser les électeurs si le scrutin est justement organisé. Ses idées sont progressistes. Il a d’ailleurs dénoncé la prise d’importance de l’appareil sécuritaire sans toutefois remettre en cause le système. Rouhani a demandé si il était bien pertinent d’avoir autant recours à la sécurité au sein de la République islamique iranienne. Lui voudrait renforcer la participation de la population au système, c’est ce que j’appelle la "théocratie participative".