Les plaintes contre les violations des droits de l'Homme commises par la police n'aboutissent pas car les enquêtes préliminaires manquent d'impartialité et d'indépendance, affirme David Diaz-Jogeix d'Amnesty International.
FRANCE24 : Dans votre rapport, vous écrivez que les policiers commettant des dépassements bénéficient d’une impunité. Pourquoi, selon vous, les procédures judiciaires les visant n’aboutissent que très rarement ?
David Dias-Jogeix : Rappelons tout de suite qu'Amnesty International admet que la tâche des responsables de l'application des lois en France est difficile et dangereuse, qu’elle les expose souvent à des risques importants et que la majorité de ces agents s’acquittent de leurs fonctions de manière professionnelle, dans le respect de la loi.
Par contre, nous pensons que le nombre élevé de plaintes classées sans suite par le ministère public, sans donner lieu à un procès, découle partiellement du manque d’indépendance et d’impartialité des enquêtes préliminaires.
F24 : Amnesty International dit avoir reçu un nombre croissant de plaintes émanant de citoyens victimes de violences policières. Comment expliquez-vous cette évolution et à quoi serait-elle liée ?
D. D-J. : Difficile à dire, la situation en France n'est certes pas facile pour certaines catégories de personnes, surtout les plus vulnérables. Notre rapport publié en 2005 a peut être également fait que des personnes s'adressent davantage à nous.
Dans notre nouveau rapport, nous exprimons nos craintes à propos des pressions exercées sur les agents de la force publique. En effet, nous craignons que les objectifs prédéfinis en termes d'arrestations et de poursuites ne contribuent à l'augmentation des mises en examen pour outrage et rébellion.
Nous citons ainsi un ancien policier qui explique que ce type d'accusations est un moyen facile de remplir ses objectifs, car chaque affaire apporte "un fait constaté, un fait élucidé et un interpellé, éventuellement une garde à vue, et très souvent même une condamnation au moins financière ".
F24 : Quelle est l’attitude de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) vis-à-vis des dépassements dont vous faites mention ?
D. D-J. : Il ne faut pas confondre les organismes internes qui ne sont pas indépendants et la CNDS.
En France, chaque organe chargé de faire respecter la loi a son propre mécanisme interne d’inspection. Au sein de la gendarmerie nationale, il s’agit de l’Inspection de la gendarmerie nationale (IGN). La police nationale dispose d’un service compétent pour Paris, l’Inspection générale des services (IGS), et d’un autre pour le reste de la France, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Ces organes dépendent de leur ministère de tutelle.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) est le seul organe indépendant habilité à examiner les manquements imputés à des responsables de l’application des lois en France.
Le rôle positif de la CNDS est salué par Amnesty International comme par le Comité contre la torture des Nations unies et le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Mais le caractère limité de son mandat, de ses pouvoirs et des moyens qui lui sont octroyés entraîne des inquiétudes quant à sa capacité à fonctionner efficacement.
Nous recommandons donc la mise en place d'un mécanisme indépendant doté de moyens et de pouvoirs supplémentaires.